LXXIII.
Rameine en ton esprit combien d’affliction,
Combien de folle joye, & de vaine allegresse
Combien d'aigre douleur, & de forte tristesse
Ont divisez tes jours en diverse action :
Combien t'en a oste la conversation,
Combien du peuple sot la hantise, & la presse,
Combien le faus semblant d'une feinte caresse
Cenant d'un potentat espris d'ambition :
En fin du connoistra, avant que tu meurisses
Que tu meurs en verdeur, en mesmes precipices
Tresbuchans, & glissans, nous nous entre-suivons :
Nos jours sont si soudains, notre repos si fresle,
Et nostre aise si court, que la moindre parcelle
De toute nostre vie, est-ce que nous vivons.
LXXIIII.
Tant d’hommes signalez tant de grans personages
De princes, & de roys constamment ont quittez
Le lustre decevant des grandes dignitez,
Et des honneurs mondains les triomphes volages :
Tant de braves Consuls ont mesprise les gages
Promis à la grandeur de leurs autoritez,
Pour apprendre, eslougnez de tant de vanitez
A mourir en honneur, & vivre en hommes sages :
Toutes-fois la plus part ont laissé le pourpris
De ce cors maladif, n'ayant encore appris
La fin de leur desir, veus-tu doncque bien vivre
Apprens à bien mourir, apprens à vivre bien
Cependant que tu meurs, autrement ce n'est rien
De mourir, quant la mort nous contraint de la suyvre.