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orgueil blessé. Peut-être M. Villeneuve n’en sait-il pas davantage ; car j’ai eu des rapports avec d’autres commissaires de police, et je n’ai eu qu’à m’en louer. M. Villeneuve fera bien de se procurer un exemplaire de la civilité puérile et honnête. Je suis d’autant plus fondé à faire cette remarque, que plus tard j’ai eu à comparaître devant un magistrat d’un ordre supérieur, M. de Fabrias, juge d’instruction, et devant M. Schmidt, capitaine d’état-major[1] ; ils n’ont pas cru que leur position les dispensait des égards que les hommes bien élevés se doivent entre eux.

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VOYAGE PEU SENTIMENTAL.

Libera nos… à Commissario.


M. Villeneuve ayant ordonné de me mener à l’hôtel-de-ville, j’y fus conduit par les deux mêmes agents. Cette odyssée ressemble à toutes les autres, je la passerai sous silence. Assez connu dans Lyon pour n’avoir rien à craindre pour mon honneur de l’entourage des gardes du corps que m’octroyait M. Villeneuve, il m’importait peu de parcourir la ville au milieu d’eux, et je trouve même que c’est une garantie pour les hommes politiques ; en effet, demi-heure après, toute la ville savait mon arrestation.

Un plus grand honneur m’attendait : je ne sais si je le dois à M. Villeneuve, assez coutumier, dit-on, du fait de rendre la presse dépositaire de ses gestes ; ou si c’est au proprio motu du rédacteur de la Gazette de Lyon, instruit par la rumeur publique. Dans ce dernier cas j’ignore, ou plutôt je sais trop à quel sentiment l’attribuer. Quoi qu’il en soit, on lisait dans le numéro de cette feuille du 20 juin, l’annonce de mon arrestation. Cette annonce était répétée par les autres journaux ; des journaux de Lyon elle passait dans ceux des départements et même de la capitale.

Me voilà devenu un homme important par mon arrestation, et la célébrité que dix-huit ans de travaux n’avaient pu obtenir, venait me trouver, grâce à M. Villeneuve. Qu’on ne s’étonne donc pas que je lui aie dédié cet écrit ; ce serait le comble de l’ingratitude de ne pas lui témoigner ma reconnaissance toutes les fois que je le pourrai, sans… blesser sa modestie, et je ne suis pas ingrat.

  1. Le 2 août, pour une confrontation après ma mise en liberté.