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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/211

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sa tête. Il s’occupoit à perfectionner son âme pour se rendre digne à la fois et des destinées que Paul lui avoit prédites et de l’épouse que Dieu lui avoit choisie. Dans une terre dont le maître s’est éloigné, on voit un arbre de riche espérance devenir stérile ; le maître, après quelques années d’absence, rentre à sa demeure ; il retourne à son arbre chéri, il coupe les branches blessées par la chèvre ou rompues par les vents : l’arbre reprend une vigueur nouvelle, et bientôt sa tête s’incline sous le poids de ses fruits parfumés ; ainsi le fils de Lasthénès, abandonné de Dieu, avoit langui faute de culture ; mais quand le père de famille rentra dans son héritage et donna ses soins à la plante de son amour, Eudore se couronna des vertus que son enfance avoit promises.

Il touchoit à l’accomplissement d’une partie de ses vœux ; il alloit recevoir la foi de Cymodocée. La nouvelle catéchumène avoit mérité par son intelligence, sa pureté et sa douceur, d’être admise aux deux degrés d’auditrice et de postulante. Elle devoit paroître à l’église, pour la première fois, le jour d’une fête consacrée à la mère du Sauveur ; fiancée après la célébration des mystères, elle étoit destinée à jurer dans le même moment fidélité à son Dieu et à son époux.

Les premiers chrétiens choisissoient surtout le silence des ombres pour accomplir les cérémonies de leur culte. Le jour qui précéda la nuit où Cymodocée triompha de l’enfer, ce jour se passa dans les méditations et les prières. Vers le soir, Séphora et ses deux filles commencèrent à parer la nouvelle épouse. Elle se dépouilla d’abord des ornements des Muses ; elle déposa sur un autel domestique, consacré à la Reine des anges, son sceptre, son voile et ses bandelettes : sa lyre étoit restée au temple d’Homère. Ce ne fut pas sans répandre des larmes que Cymodocée se sépara des marques gracieuses de la religion paternelle. Une tunique blanche, une couronne de lis, lui tinrent lieu des perles et des colliers que ne portaient point les chrétiennes. La pudeur évangélique remplaça sur ses lèvres le sourire des Muscs et lui donna des charmes dignes du ciel.

À la seconde veille de la nuit, elle sortit au milieu des flambeaux, portant un flambeau elle-même. Elle étoit précédée de Cyrille, des prêtres, des veuves et des diaconesses ; le chœur des vierges l’attendoit à la porte. Quand elle parut, la foule qu’attiroit cette cérémonie poussa un cri d’admiration. Les païens disoient :

« C’est la fille de Tyndare, couronnée des fleurs du plataniste, et prête à passer dans le lit de Ménélas ! C’est Vénus, lorsqu’elle eut jeté ses bracelets dans l’Eurotas et qu’elle se montra à Lycurgue sous les traits de Minerve ! »