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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/212

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Les chrétiens s’écrioient :

« C’est une nouvelle Ève ! c’est l’épouse du jeune Tobie ! c’est la chaste Suzanne ! c’est Esther ! »

Ce nom d’Esther, donné par la voix du peuple fidèle, devint aussitôt le nom chrétien de Cymodocée.

Près du Lesché, et non loin des tombeaux des rois Agides, les chrétiens de Sparte avoient bâti une église. Éloignée du bruit et de la foule, environnée de cours et de jardins, elle étoit séparée de tout monument profane. Après avoir passé un péristyle décoré de fontaines où les fidèles se purifioient avant la prière, on trouvoit trois portes qui conduisoient à la basilique. Au fond de l’église, à l’orient, on apercevoit l’autel, et derrière l’autel, le sanctuaire. Cet autel d’or massif, enrichi de pierreries, couvroit le corps d’un martyr ; quatre rideaux d’une étoffe précieuse l’environnoient. Une colombe d’ivoire, image de l’Esprit-Saint, étoit suspendue au-dessus de l’autel et protégeoit de ses ailes le tabernacle. Les murs étoient décorés de tableaux qui représentoient des sujets tirés de l’Écriture. Le baptistère s’élevoit isolé à la porte de l’église et faisoit soupirer l’impatient catéchumène.

Cymodocée s’avance vers les saints portiques. Un contraste étonnant se faisoit remarquer de toutes parts : les filles de Lacédémone, encore attachées à leurs dieux, paroissoient sur la route avec leurs tuniques entr’ouvertes, leur air libre, leurs regards hardis : telles elles dansoient aux fêtes de Bacchus ou d’Hyacinthe : les rudes souvenirs de Sparte, la fourberie, la cruauté, la férocité maternelle, se montroient dans les yeux de la foule idolâtre. Plus loin on découvroit des vierges chrétiennes chastement vêtues, dignes filles d’Hélène par leur beauté, plus belles que leur mère par leur modestie. Elles alloient avec le reste des fidèles célébrer les mystères d’un culte qui rend le cœur doux pour l’enfant, charitable pour l’esclave, et inspire l’horreur de la dissimulation et du mensonge. On eût cru voir deux peuples parmi ces frères, tant la religion peut changer les hommes !

Lorsqu’on fut arrivé au lieu de la fête, l’évêque, tenant l’Évangile à la main, monta sur son trône, qui s’élevoit au fond du sanctuaire, en face du peuple. Les prêtres, assis à sa droite et à sa gauche, remplirent le demi-cercle de l’abside. Les diacres se rangèrent debout derrière eux ; la foule occupoit le reste de l’église ; les hommes étoient séparés des femmes, les premiers la tête découverte, les secondes la tête voilée.

Tandis que l’assemblée prenoit ses rangs, un chœur chantoit le psaume de l’introduction de la fête. Après ce cantique, les fidèles plièrent en silence ; ensuite l’évêque prononça l’oraison des vœux