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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/213

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réunis des fidèles. Le lecteur monta à l’ambon et choisit dans l’Ancien et le Nouveau Testament les textes qui se rapportoient davantage à la double fête que l’on célébroit. Quel spectacle pour Cymodocée ! Quelle différence de cette sainte et tranquille cérémonie aux sanglants sacrifices, aux chants impurs des païens ! Tous les yeux se tournoient sur l’innocente catéchumène ; elle étoit assise au milieu d’une troupe de vierges, qu’elle effaçoit par sa beauté. Accablée de respect et de crainte, à peine osoit-elle lever un regard timide pour chercher dans la foule celui qui après Dieu occupoit alors uniquement son cœur.

Le lecteur fut remplacé par l’évêque dans la chaire de vérité. Il expliqua d’abord l’évangile du jour : il parla de la conversion des idolâtres et du bonheur qu’auroit bientôt une fille vertueuse d’être unie à un époux chrétien, sous la protection de la Mère du Sauveur. Il termina son discours par ces paroles :

« Habitants de Lacédémone, il est temps que je vous rappelle l’alliance qui vous unit avec Sion. Descendu d’Abraham comme le peuple fidèle, Arius votre roi réclama jadis auprès du pontife Onias les lois de cette parenté sainte. Dans la lettre qu’il adressa au peuple juif, il lui dit : « Nos troupeaux et tous nos biens sont à vous, et les vôtres sont à nous. » Les Machabées, reconnoissant cette commune origine, envoyèrent aux Spartiates une députation amicale. Si donc, n’étant encore que gentils vous fûtes distingués du Dieu de Jacob entre tous les peuples de Javan , de Séthim et d’Élisa, que ne devez-vous pas faire pour le ciel à présent que vous êtes marqués du sceau de la race élue ! Voici l’instant de vous montrer dignes de votre berceau, qu’ombragèrent les palmes de l’Idumée. Les grands martyrs Judas, Jonathas et ses frères vous invitent à marcher sur leurs traces. Vous êtes appelés aujourd’hui à la défense de la patrie céleste. Troupeau chéri que le ciel a confié à mes soins, c’est peut-être la dernière fois que votre pasteur vous rassemble sous sa houlette ! Combien peu d’entre nous se retrouveront au pied de cet autel quand il nous sera permis de nous réunir ! Servantes de Jésus-Christ, épouses vertueuses, vierges sans tache, c’est aujourd’hui qu’il faut vous glorifier d’avoir quitté les pompes du siècle, afin de ne yous attacher qu’à la pudeur. Ah ! qu’il seroit à craindre que des pieds entravés par des bandelettes de soie ne pussent monter à l’échafaud ! Ces colliers de perles qui entourent un cou trop délicat laisseroient-ils quelque place à l’épée ? Réjouissons-nous donc, mes frères, le temps de notre délivrance approche ; je dis délivrance, car sans doute vous n’appelez pas esclavage les cachots et les fers dont vous êtes menacés. Pour un chrétien persécuté la prison n’est point un lieu de souffrances, mais un