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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/214

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lieu de délices : quand l’âme prie, le corps ne sent point le poids de ses chaînes, elle emporte avec soi tout l’homme. »

Cyrille descendit de la chaire. Un diacre s’écria :

« Priez, mes frères ! »

L’assemblée se leva, se tourna vers l’orient, et, les mains étendues vers le ciel, pria pour les chrétiens, pour les infidèles, pour les persécuteurs, pour les foibles, pour les malades, pour les affligés, pour tous ceux qui pleurent. Alors les diacres firent sortir du lieu saint tous ceux qui ne devoient point assister au sacrifice, les gentils, les possédés du démon, les pénitents. La mère d’Eudore, assistée de deux veuves, vint chercher la tremblante catéchumène ; elle la conduisit aux pieds de Cyrille. Alors le martyr, lui adressant la parole, lui dit :

« Qui êtes-vous ? »

Elle répondit, selon l’instruction qu’elle avoit reçue :

« Je suis Cymodocée, fille de Démodocus. »

« Que voulez-vous ? » dit le prélat.

« Sortir, repartit la jeune vierge, des ténèbres de l’idolâtrie, et entrer dans le troupeau de Jésus-Christ. »

« Avez-vous, dit l’évêque, bien pensé à votre résolution ; ne craignez-vous ni la prison ni la mort ? Votre foi en Jésus-Christ est-elle vive et sincère ? »

Cymodocée hésita. Elle ne s’attendoit point à la première partie de cette question : elle vit la douleur de son père, mais elle songea qu’elle balançoit à accepter le sort d’Eudore ; elle se décida sur-le-champ, et prononça d’une voix ferme :

« Je ne crains ni la prison ni la mort, et ma foi en Jésus-Christ est vive et sincère.

Alors l’évêque lui imposa les mains et la marqua au front du signe de la croix. Une langue de feu parut à la voûte de l’église, et l’Esprit-Saint descendit sur la vierge prédestinée. Un diacre lui met une palme à la main, les jeunes chrétiennes lui jettent des couronnes ; elle retourne au banc des femmes, précédée de cent flambeaux et semblable à une martyre qui s’envole éclatante vers le ciel.

Le sacrifice commence. L’évêque salue le peuple, et un diacre s’écrie :

« Embrassez-vous les uns les autres. »

L’assemblée se donne le baiser de paix. Le prêtre reçoit les dons des fidèles, l’autel est comblé des pains offerts en sacrifice ; Cyrille les bénit. Les lampes sont allumées, l’encens fume, les chrétiens élèvent leur voix : le sacrifice s’accomplit, l’hostie est partagée aux élus,