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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/215

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l’agape suit la communion sainte, et tous les cœurs se tournent vers une cérémonie attendrissante.

L’épouse de Lasthénès annonce à Cymodocée qu’elle va promettre sa foi à Eudore. Cymodocée est soutenue dans les bras des vierges qui l’environnent. Mais qui peut dire où est le nouvel époux ? Pourquoi marque-t-il si peu d’empressement ? Quel lieu de ce temple le dérobe aux yeux de la fille d’Homère ? On fait silence ; les portes de l’église s’ouvrent, et l’on entend au dehors une voix qui disoit :

« J’ai péché devant Dieu et devant les hommes. À Rome, j’ai oublié ma religion et j’ai été rejeté du sein de l’Église ; dans les Gaules, j’ai donné la mort à l’innocence : priez pour moi, mes frères. »

Cymodocée reconnoît la voix d’Eudore ! Le descendant de Philopœmen, revêtu d’un cilice, la tête couverte de cendres, prosterné sur le pavé du vestibule, accomplissoit sa pénitence et se confessoit publiquement. Le prélat offre au Seigneur, en faveur du chrétien humilié, une prière de miséricorde, que répètent tous les fidèles. Quel nouveau sujet d’étonnement pour Cymodocée ! Elle est conduite une seconde fois à l’autel ; elle est fiancée à son époux, et répète, de la voix la plus touchante, les paroles que l’évêque récitoit avant elle. Un diacre s’étoit rendu auprès d’Eudore : debout à la porte de l’église, où il ne pouvoit pénétrer, le pénitent prononce de son côté les mots qui l’engagent à Cymodocée. Échangé de l’autel au vestibule, le serment des deux époux est reporté de l’un à l’autre par les prêtres : on eût cru voir l’union de l’innocence et du repentir. La fille de Démodocus consacre à la reine des anges une quenouille chargée d’une laine sans tache, symbole des occupations domestiques. Pendant cette cérémonie, qui faisoit répandre des larmes à tous les témoins, les vierges de la nouvelle Sion chantoient le cantique de l’épouse :

« Tel est le lis entre les épines, telle est ma bien-aimée entre les vierges. Que vous êtes belle, ô mon amie ! Votre bouche est une grenade entr’ouverte, et vos cheveux ressemblent aux rameaux du palmier. L’épouse s’avance comme l’aurore : elle s’élève du désert comme la fumée de l’encens ! Filles de Jérusalem, je vous conjure par les chevreuils de la montagne de me soutenir avec des fruits et des fleurs, car non âme s’est fondue à la voix de mon amie. Vent du milieu du jour, répandez les plus doux parfums autour de celle qui est les délices de l’époux ! Ma bien-aimée, vous avez blessé mon âme ! Ouvrez-moi vos portes de cèdre ; mes cheveux sont mouillés de la rosée de la nuit. Que la myrrhe et l’aloès couvrent votre lit embaumé ! que votre main gauche soutienne ma tête languissante ; mettez-moi comme un sceau sur votre cœur, car l’amour est plus fort que la mort. »