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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/223

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il monte à la citadelle, et se trouve le premier au rendez-vous, sous le portique du plus beau temple de l’univers.

Jamais si brillant spectacle n’avoit frappé les regards d’Eudore. Athènes s’offroit à lui dans toutes ses pompes, le mont Hymette s’élevoit à l’orient comme revêtu d’une robe d’or ; le Pentélique se courboit vers le septentrion pour aller joindre le Permetta ; le mont Icare s’abaissoit au couchant, et laissoit voir derrière lui la cime sacrée du Cythéron ; au midi la mer, le Pirée, les rivages d’Égine, les côtes d’Épidaure, et dans le lointain la citadelle de Corinthe, terminoient le cercle entier de la patrie des arts, des héros et des dieux.

Athènes, avec tous ses chefs-d’œuvre, reposoit au centre de ce bassin superbe : ses marbres polis et non pas usés par le temps se peignoient des feux du soleil à son coucher ; l’astre du jour, prêt à se plonger dans la mer, frappoit de ses derniers rayons les colonnes du temple de Minerve : il faisoit étinceler les boucliers des Perses suspendus au fronton du portique, et sembloit animer sur la frise les admirables sculptures de Phidias.

Ajoutez à ce tableau le mouvement que la fête des Panathénées répandoit dans la ville et dans la campagne. Là de jeunes Canéphores reportoient aux jardins de Vénus les corbeilles sacrées, ici le Péplus flottoit encore au mât du vaisseau qui se mouvoit par ressorts ; des chœurs répétoient les chansons d’Harmodius et d’Aristogitor ; les chars rouloient vers le Stade ; les citoyens couroient au Lycée, au Pœcile, au Céramique ; la foule se pressoit surtout au théâtre de Bacchus, placé sous la Citadelle ; et la voix des acteurs, qui représentoient une tragédie de Sophocle, montoit par intervalles jusqu’à l’oreille du fils de Lasthénès.

Cymodocée parut : à son vêtement sans tache, à son front virginal, à ses yeux d’azur, à la modestie de son maintien, les Grecs l’auroient prise pour Minerve elle-même sortant de son temple et prête à rentrer dans l’Olympe, après avoir reçu l’encens des mortels.

Eudore, saisi d’admiration et d’amour, faisoit des efforts pour cacher son trouble, afin d’inspirer plus de courage à la fille d’Homère.

« Cymodocée, lui dit-il, comment vous exprimer la reconnoissance et les sentiments de mon cœur ? Vous consentez à quitter pour moi la Grèce, à traverser les mers, à vivre sous des cieux étrangers, loin de votre père, loin de celui que vous avez choisi pour époux. Ah ! si je ne croyois vous ouvrir les cieux et vous conduire à des félicités éternelles, pourrois-je vous demander de pareilles marques d’attachement ? Pourrois-je espérer qu’un amour humain vous fît faire des choses si douloureuses ? »