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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/230

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place le saint Évangile sur le sépulcre du martyr qui servoit d’autel : les Pères se mettent en prières, et demandent à Dieu d’indiquer par quelques versets des Écritures le défenseur agréable à ses yeux. Dieu, qui leur avoit inspiré cette pensée, fait descendre aussitôt l’ange chargé d’inscrire les décrets éternels dans le livre de vie. L’esprit céleste, enveloppé d’un nuage, marque au milieu de la Bible les décrets demandés. Les Pères se lèvent ; Marcellin ouvre la loi des chrétiens ; il lit ces paroles des Machabées :

« Il se revêtit de la cuirasse comme un géant, il se couvrit de ses armes dans les combats, et son épée étoit la protection de tout le camp. »

Marcellin, surpris, ferme et rouvre une seconde fois le livre prophétique ; il y trouve ces mots :

« Son souvenir sera doux comme un concert de musique dans un festin délicieux. Il a été destiné divinement pour faire rentrer le peuple dans la pénitence. »

Enfin le souverain pontife consulte une troisième fois l’oracle d’Israël ; tous les Pères sont frappés de ce passage des Cantiques :

« Je me suis couvert d’un sac en jeûnant… J’ai pris pour mon vêtement un cilice. »

Aussitôt une voix (on ne sait quelle voix) prononça le nom d’Eudore ! Les vieux martyrs, subitement éclairés, font retentir d’un Hosanna prolongé les voûtes des catacombes. Ils relisent le texte sacré. Saisis d’étonnement, ils voient avec quelle justesse tous les mots s’appliquent au fils de Lasthénès. Chacun admire les conseils du Très-Haut ; chacun reconnoît combien ce choix est saint et désirable. La renommée du jeune orateur, sa pénitence exemplaire, sa faveur à la cour, son habitude de parler devant les princes, les charges dont il a été revêtu, l’amitié dont Constantin l’honore, tout justifie l’arrêt du ciel. On se hâte de lui porter les vœux des Pères. Eudore s’humilie dans la poudre ; il cherche à se soustraire à cet honneur si sublime, à ce fardeau si pesant ! On lui montre les passages de l’Écriture : il se soumet. Il se retire aussitôt parmi les tombeaux des saints, et se prépare par des veilles, des prières et des larmes, à plaider la plus grande cause qui fut jamais portée au tribunal des humains.

Tandis qu’il ne songe qu’à remplir dignement l’effrayante mission dont il est chargé, Hiéroclès arrivoit à Rome, soutenu de toutes les puissances de l’enfer. Cet ennemi de Dieu avoit appris avec désespoir le mauvais succès de ses violences à Lacédémone, la fuite de Cymodocée et le départ d’Eudore pour l’Italie. Les ordres modérés qu’il reçut en même temps de Dioclétien lui firent comprendre que ses