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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/234

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Livre Seizième.

Harangues de Symmaque, d’Hiéroclès et d’Eudore. Dioclétien consent à donner l’édit de persécution, mais il veut que l’on consulte auparavant la sibylle de Cumes.

« Très-clément empereur Dioclétien, et vous, très-heureux prince César Galérius, si jamais vos âmes divines donnèrent une preuve éclatante de leur justice, c’est dans l’affaire importante qui rassemble le très-auguste sénat aux pieds de vos éternités.

« Proscrirons-nous les adorateurs du nouveau Dieu ? Laisserons-nous les chrétiens jouir en paix du culte de leur divinité ? Telle est la question que l’on propose au sénat.

« Que Jupiter et les autres dieux vengeurs de l’humanité me préservent de faire couler jamais le sang et les larmes ! Pourquoi persécuterions-nous des hommes qui remplissent tous les devoirs du citoyen ? Les chrétiens exercent des arts utiles ; leurs richesses alimentent le trésor de l’État ; ils servent avec courage dans nos armées ; ils ouvrent souvent dans nos conseils des avis pleins de sens, de justesse et de prudence. D’ailleurs, ce n’est point par la violence que l’on parviendra au but désiré. L’expérience a démontré que les chrétiens se multiplient sous le fer des bourreaux. Voulez-vous les gagner à la religion de la patrie, appelez-les au temple de la Miséricorde, et non pas aux autels des Euménides.

« Mais, après avoir déclaré ce qui me semble conforme à la raison, je dois, avec la même justice, manifester la crainte que m’inspirent les chrétiens. C’est le seul reproche que l’on puisse légitimement leur faire : il est certain que nos dieux sont l’objet de leur dérision et quelquefois de leurs insultes. Que de Romains se sont déjà laissé entraîner par des raisonnements téméraires ! Ah ! nous parlons d’attaquer une divinité étrangère, songeons plutôt à défendre les nôtres ! Rattachons-nous à leur culte par le souvenir de tout ce qu’elles ont fait pour