Aller au contenu

Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« L’homme, oubliant l’origine des dieux, crut bientôt à leur existence. On prit pour le consentement unanime des peuples ce qui n’étoit que le consentement unanime des passions. Les tyrans, en écrasant les hommes, eurent soin de faire élever des temples à la piété et à la miséricorde, afin que les infortunés crussent aussi qu’il y avoit des dieux.

« Le prêtre, d’abord trompeur, ensuite trompé, se passionna pour son idole ; le jeune homme, pour les grâces divinisées de sa maîtresse ; le malheuroux, pour les simulacres de sa douleur : de là le fanatisme, le plus grand des maux qui aient afiligé l’espèce humaine.

« Ce monstre, portant un flambeau, parcourut les trois régions de la terre. Il brilla, par la main des mages, les temples de Memphis et d’Athènes. Il alluma la guerre sacrée qui livra la Grèce à Philippe. Bientôt, si une secte odieuse venoit à s’étendre, de nos jours même et malgré l’accroissement des lumières, on verroit l’univers plongé dans un abîme de malheurs !

« C’est ici, princes, que je tâcherai de peindre les maux que le fanatisme a faits aux hommes, en vous dévoilant l’origine et les progrès de la religion la plus ridicule et la plus horrible que la corruption des peuples ait engendrée.

« Que ne m’est-il permis d’ensevelir dans un profond oubli ces honteuses turpitudes ! Mais je suis appelé à la défense de la vérité : il faut sauver mon empereur, il faut éclairer le monde. Je sais que j’expose mes jours au ressentiment d’une faction dangereuse. Qu’importe ? un ami de la sagesse doit fermer son cœur à toute crainte comme à toute pitié quand il s’agit du bonheur de ses frères et des droits sacres de l’humanité.

« Vous connoissez ce peuple que sa lèpre et ses déserts séparent du genre humain, ce peuple odieux qu’extermina le divin Titus.

« Un certain fourbe, appelé Moïse, par une suite de crimes et de prestiges grossiers, délivra ce peuple de la servitude. Il le conduisit au milieu des sables de l’Arabie ; il lui promettoit, au nom du dieu Jéhovah, une terre où couleroient le lait et le miel.

« Après quarante années les Juifs arrivèrent à cette terre promise, dont ils égorgèrent les habitants. Ce jardin délicieux étoit la stérile Judée, petite vallée de pierres, sans blé, sans arbres, sans eaux.

« Retirés dans leur repaire, ces brigands ne se firent remarquer que par leur haine contre le genre humain : ils vivoient au milieu des adultères, des meurtres, des cruautés.

« Que pouvoit-il sortir d’une pareille race ? (c’est ici le prodige) une race plus exécrable encore, les chrétiens : ils ont surpassé en folie, en crimes, les Juifs leurs pères.