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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/239

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« Les Hébreux, que trompoient des prêtres fanatiques, attendoient dans leur impuissance et dans leur bassesse un monarque qui devoit leur soumettre le monde entier.

« Le bruit se répand un jour que la femme d’un vil artisan a donné naissance à ce roi si longtemps promis. Une partie des Juifs s’empresse de croire au prodige.

« Celui qu’ils appellent leur Christ vit trente ans caché dans sa misère. Après ces trente années, il commence à dogmatiser ; il s’associe quelques pêcheurs, qu’il nomme ses apôtres. Il parcourt les villes, il se cache au désert, il séduit des femmes foibles, une populace crédule. Sa morale est pure, dit-on ; mais surpasse-t-elle celle de Socrate ?

« Bientôt il est arrêté pour ses discours séditieux et condamné à mourir sur la croix. Un jardinier dérobe son corps ; ses apôtres s’écrient que Jésus est ressuscité ; ils prêchent leur maître à la foule étonnée. La superstition s’étend, les chrétiens deviennent une secte nombreuse.

« Un culte né dans les derniers rangs du peuple, propagé par des esclaves, caché d’abord en des lieux déserts, s’est chargé peu à peu des abominations que le secret et des mœurs basses et féroces doivent naturellement engendrer : aussi la cruauté et l’infamie font-elles la partie principale de ses mystères.

« Les chrétiens s’assemblent la nuit au milieu des morts et des sépulcres. La résurrection des cadavres est le plus absurde comme le plus doux de leurs entretiens. Assis à un festin abominable, après avoir juré haine aux dieux et aux hommes, après avoir renoncé à tous les plaisirs légitimes, ils boivent le sang d’un homme sacrifié et dévorent les chairs palpitantes d’un enfant : c’est ce qu’ils appellent leur pain et leur vin sacré !

« Le repas fini, des chiens dressés aux crimes de leurs maîtres entrent dans l’assemblée et renversent les flambeaux ; alors les chrétiens se cherchent au milieu des ténèbres, s’unissent au hasard par d’horribles embrassements : les pères avec les filles, les fils avec les mères, les frères avec les sœurs : le nombre et la variété des incestes fait le mérite et la vertu.

« Quoi ! ce n’étoit pas assez d’avoir voulu amener les hommes au culte d’un séditieux justement puni du dernier supplice ! ce n’étoit pas un assez grand crime d’avoir essayé d’abrutir à ce point la raison humaine ! il falloit encore que les chrétiens fissent de leur religion l’école des mœurs les plus dépravées, des forfaits les plus inouïs !

« Ce que je viens d’avancer auroit-il besoin d’autres preuves que la conduite des chrétiens ? Partout où ils se glissent, ils font naître des