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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/243

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qu’il n’avoit point par lui-même : il les enferma donc dans la montagne. Leurs lois et leur religion furent conformes à cet état d’isolement : ils n’eurent qu’un temple, qu’un sacrifice, qu’un livre. Quatre mille ans se sont écoulés, et ce peuple existe encore. Hiéroclès, montrez-nous ailleurs un exemple d’une législation aussi miraculeuse dans ses effets, et nous écoulerons ensuite vos railleries sur le pays des Hébreux. »

Un signe d’approbation échappé à Dioclétien interrompit le fils de Lasthénès. Insensible aux mouvements oratoires de Symmaque et aux déclamations d’Hiéroclès, l’empereur fut frappé des raisons politiques présentées par le défenseur des fidèles. Eudore s’étoit étendu sur ce sujet avec adresse, afin de toucher le génie du prince avant de parler des chrétiens. Le parti modéré du sénat, qui redoutoit Galérius ; Publius, préfet de Rome, dévoué à César, mais ennemi d’Hiéroclès ; les courtisans, toujours attentifs aux impressions du maître ; les chrétiens, dont le sort étoit encore suspendu, tous s’aperçurent des sentiments favorables de Dioclétien : ils donnèrent de grandes louanges à l’orateur. Les soldats, les centurions, les tribuns, s’étoient laissé toucher à la vue de leur général obligé de défendre sa vie contre les accusations d’un rhéteur ; cette noble race d’hommes revient facilement à des opinions généreuses. Tant de raison unie à tant de beauté et de jeunesse avoit intéressé la foule toujours passionnée. La douleur de Constantin s’étoit changée en allégresse ; il encourageoit son ami par ses gestes et ses regards. Les anges de lumière, redoublant de zèle autour de l’orateur chrétien, lui donnoient à chaque moment de nouvelles grâces et prolongeoient les sons de sa voix comme d’harmonieux échos. Lorsqu’une neige éclatante tombe de la voûte éthérée, souvent l’aquilon s’apaise ; les champs, muets, reçoivent avec joie les flocons nombreux qui vont mettre les plantes à l’abri des glaces de l’hiver : ainsi, quand le fils de Lasthénès recommença son discours, l’assemblée fit un profond silence, afin de recueillir ces paroles pures qui sembloient descendre du ciel pour prévenir la désolation de la terre.

« Princes, dit-il, je n’entrerai point dans les preuves de la religion chrétienne : une longue suite de prophéties, toutes vérifiées, des miracles éclatants, des témoins sans nombre, ont depuis longtemps attesté la divinité de celui que nous appelons le Sauveur. Sa vertu sublime est reconnue de l’univers ; plusieurs empereurs romains, sans être soumis à Jésus-Christ, l’ont honoré de leurs hommages ; des philosophes fameux ont rendu justice à la beauté de sa morale, et Hiéroclès lui-même ne la conteste pas.

« Il seroit bien étrange que ceux qui adorent un tel Dieu fussent