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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/244

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des monstres dignes du bûcher. Quoi ! Jésus-Christ seroit un modèle de douceur, d’humanité, de chasteté, et nous penserions l’honorer par des mystères de cruauté et de débauches ! Même dans le paganisme, célèbre-t-on la fête de Diane par les prostitutions des fêtes de Vénus ? Le christianisme, dit-on, est sorti de la dernière classe du peuple, et de là les infamies de son culte. Reprochez donc à cette religion ce qui fait sa beauté et sa gloire. Elle est allée chercher, pour les consoler, des hommes auxquels les hommes ne pensoient point et dont ils détournoient les regards ; et vous le lui imputez à crime ! Pense-t-on qu’il n’y ait de douleurs que sous la pourpre, et qu’un Dieu consolateur n’est fait que pour les grands et les rois ? Loin d’avoir pris la bassesse et la férocité des mœurs du peuple, notre religion a corrigé ces mœurs. Dites : est-il un homme plus patient dans ses maux qu’un vrai chrétien, plus résigné sous un maître, plus fidèle à sa parole, plus ponctuel dans ses devoirs, plus chaste dans ses habitudes ? Nous sommes si éloignés de la barbarie, que nous nous retirons de vos jeux où le sang des hommes est une partie du spectacle. Nous croyons qu’il y a peu de différence entre commettre le meurtre et le voir commettre avec plaisir. Nous avons une telle horreur d’une vie dissolue, que nous évitons vos théâtres, comme une école de mauvaises mœurs et une occasion de chute… Mais en justifiant les chrétiens sur un point, je m’aperçois que je les expose sur un autre. Nous fuyons la société, dit Hiéroclès, nous haïssons les hommes !

« S’il en est ainsi, notre châtiment est juste. Frappez nos têtes, mais auparavant venez reprendre dans nos hôpitaux les pauvres et les infirmes que vous n’avez point secourus ; faites appeler ces femmes romaines qui ont abandonné les fruits de leur honte. Elles croient peut-être qu’ils sont tombés dans ces lieux infâmes, seul asile offert par vos dieux à l’enfance délaissée ? Qu’elles viennent reconnoître leurs nouveau-nés entre les bras de nos épouses ! Le lait d’une chrétienne ne les a point empoisonnés : les mères selon la grâce les rendront, avant de mourir, aux mères selon la nature.

« Quelques-uns de nos mystères, mal entendus et faussement interprétés, ont donné naissance à ces calomnies. Princes, que ne m’est-il permis de vous dévoiler ces secrets d’innocence et de pureté ? Rome se lève, dit Symmaque, et vous supplie de lui laisser les divinités de ses pères. Oui, princes, Rome se lève, mais non pour réclamer des dieux impuissants : elle se lève pour vous demander Jésus-Christ, qui rétablira parmi ses enfants la pudeur, la bonne foi, la probité, la modération et le règne des mœurs.

« Donnez-moi, s’écrie-t-elle, ce Dieu qui a déjà corrigé les vices de