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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/247

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effrayé de ses menaces. Il savoit qu’en proscrivant les chrétiens il se privoit d’un grand appui contre l’ambition de César ; mais le vieillard n’avoit plus la force d’envisager sans frémir les hasards d’une guerre civile. Satan achève d’épouvanter par un prodige l’esprit superstitieux de Dioclétien. Tout à coup le bouclier de Romulus se détache de la voûte du Capitole, tombe, blesse le fils de Lasthénès et va couvrir, en roulant, la louve de bronze qui fut frappée de la foudre à la mort de Jules César. Galérius s’écrie :

« Vous le voyez, ô Dioclétien ! le père des Romains n’a pu supporter les blasphèmes de ce chrétien ! Imitez son exemple ; écrasez les impies et protégez au Capitole le génie de l’empire. »

Alors Dioclétien, malgré les remords de sa conscience et les lumières de sa politique, promet de donner un édit contre les fidèles ; mais, par une dernière ressource de son génie, il voulut que les dieux prononçassent dans leur propre cause et l’aidassent, avec Galérius, à porter le poids de l’exécration de l’avenir.

« Si la sibylle de Cumes, dit-il, approuve la résolution que vous me faites prendre, on publiera l’édit que vous demandez. Mais en attendant la réponse de l’oracle, je veux qu’on laisse à tous les citoyens la jouissance de leurs droits et la liberté de leur culte. »

En prononçant ces derniers mots, l’empereur quitta brusquement le Capitole. Galérius et Hiéroclès sortirent triomphants ; le premier, méditant les projets les plus ambitieux ; le second, mêlant à ces mêmes projets des desseins d’amour et de vengeance. Constantin, accablé de douleur, se dérobe avec Eudore à la curiosité de la foule. L’enfer pousse un cri de joie, et les anges du Seigneur, dans une sainte tristesse, s’envolent aux pieds de l’Éternel.


fin du livre seizième.