Aller au contenu

Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/248

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Livre Dix-Septième.

Navigation de Cymodocée. Elle arrive à Joppé. Elle monte à Jérusalem. Hélène la reçoit comme sa fille. Semaine sainte. Réponse de la sibylle de Cumes. Hiéroclès fait partir un centurion pour réclamer Cymodocée. Dioclétien donne l’édit de persécution.

Emportée par le souffle de l’Ange des mers, Cymodocée versoit des torrents de larmes. Euryméduse, qui accompagnoit la fille de Démodocus, faisoit retentir la galère de ses plaintes et de ses gémissements.

« Ô terre de Cécrops ! disoit-elle, terre où régnent un souffle divin et des génies amis des hommes, faut-il donc vous quitter sans retour ? Qui me donnera des ailes pour revoir des lieux si agréables à mon cœur ? J’arrêterois mon vol sur le temple d’Homère, je porterois à mon cher maître des nouvelles de sa Cymodocée ! Vains désirs ! Nous franchissons les plaines azurées d’Amphitrite, où les Néréides font entendre leurs concerts. Est-ce le désir des richesses qui nous oblige à braver la fureur de Neptune ? L’intérêt a ses douceurs. Non, c’est un dieu plus puissant : le dieu qui fit mourir Ariadne loin des foyers de Minos, sur une rive déserte, le dieu qui força Médée à visiter les tours d’Iolchos et à suivre un héros volage. »

Le vaisseau s’avançoit vers le dernier promontoire de l’Attique. Déjà Sunium élevoit sur la pointe d’un rocher son beau temple : les colonnes de marbre blanc sembioient se balancer dans les flots avec la lumière dorée des étoiles. Cymodocée étoit assise sur la poupe ornée de fleurs, entre les statues d’ivoire de Castor et de Pollux. Sans les larmes qui couloient de ses yeux, on l’eût prise pour la sœur de ces dieux charmants, prête à descendre avec Pâris dans l’île où la fille de Tyndare célébra son hymen avant d’aborder à Troie. Le vaisseau vole à la gauche des Cyclades blanchissantes, rangées au loin sur la mer comme une troupe de cygnes ; dirigeant sa course au midi, il vient chercher