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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/252

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la poésie, tous les tableaux de l’Écriture sont là : chaque nom renferme un mystère, chaque grotte déclare l’avenir, chaque sommet retentit des accents d’un prophète. Dieu même a parlé sur ces bords : les torrents desséchés, les rochers fendus, les tombeaux entr’ouverts attestent le prodige ; le désert paroît encore muet de terreur, et l’on diroit qu’il n’a osé rompre le silence depuis qu’il a entendu la voix de l’Éternel.

La pieuse Hélène a porté ses pas à cette terre sacrée : elle veut arracher le tombeau de Jésus-Christ aux profanations de l’idolâtrie ; elle veut renfermer dans de majestueux édifices tant de lieux consacrés par les paroles et les douleurs du Fils de Dieu. Elle appelle de toutes les parties du monde les chrétiens à son secours ; ils descendent en troupes aux rivages de la Syrie : les pieds nus, les yeux baignés de pleurs, ils s’avancent, en chantant des cantiques, vers la montagne où s’opéra le salut des hommes. Dorothée conduit aussi à ce sanctuaire la catéchumène que la mère de Constantin doit instruire et protéger.

La caravane entre par la porte du château qui vit depuis s’élever la tour des Pisans et l’hospice des braves chevaliers du Temple. Le bruit se répand aussitôt que le premier officier de la maison de l’empereur est arrivé avec une catéchumène plus belle que Mariamne, et qui semble aussi malheureuse. Hélène fait appeler Dorothée. Elle frémit au récit des maux qui menacent l’Église : elle reçoit l’épouse du défenseur des chrétiens avec la noblesse d’une impératrice, la bonté d’une mère et le zèle d’une sainte.

« Esther, lui dit-elle, j’aime à trouver dans vos traits une jeune femme que j’ai vue souvent en songe assise à la droite de la divine Marie. Vous n’avez point connu de mère, je vous en servirai. Remerciez Dieu, ma fille, de vous avoir conduite au tombeau de Jésus-Christ. Ici les plus hautes vérités de la foi semblent s’abaisser et devenir sensibles aux cœurs les plus simples. »

À ces touchantes paroles, Cymodocée verse des pleurs d’attendrissement et de respect. Comme on voit une vigne qu’un violent orage a détachée de l’ormeau qui la soutenoit dans les airs : ses tendres rameaux couvrent la terre ; mais si on lui présente un autre appui, elle embrasse aussitôt l’arbre secourable, et présente de nouveau aux rayons du soleil son feuillage délicat ; ainsi la fille de Démodocus, séparée de son père, s’attache étroitement à la mère de l’ami d’Eudore.

Cependant Hélène fait partir des messagers qui vont porter aux sept églises d’Asie l’annonce de la persécution prochaine ; elle daigne en même temps montrer elle-même à l’épouse d’Eudore et à Dorothée les immenses travaux qui doivent faire renaître la cité de Salomon. Le