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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/253

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bois consacré à Vénus sur le mont Calvaire étoit abattu ; la vraie croix étoit retrouvée. Un homme que la présence de cette croix miraculeuse avoit arraché au cercueil racontoit les choses d’une autre vie dans cette Jérusalem tant de fois instruite par les morts des secrets du tombeau.

Au pied de la montagne de Sion, qui porte à son sommet le monument en ruine de David, s’élève une colline à jamais célèbre sous le nom de Calvaire. Au bas de cette colline sacrée, Hélène avoit fait enfermer le sépulcre de Jésus-Christ dans une basilique circulaire de marbre et de porphyre. Éclairé par un dôme de bois de cèdre, placé au centre de l’église, et revêtu d’un catafalque de marbre blanc, le saint tombeau servoit d’autel dans les grandes solennités. Une obscurité favorable au recueillement de l’âme régnoit au sanctuaire, dans les galeries et les chapelles de l’édifice. Des cantiques s’y faisoient entendre à toutes les heures du jour et de la nuit. On ne sait d’où partent ces concerts ; on respire l’odeur de l’encens sans apercevoir la main qui le brûle : on voit passer dans l’ombre et s’enfoncer dans les détours du temple le pontife qui va célébrer les redoutables mystères aux lieux mêmes où ils se sont accomplis,

Cymodocée contemple en silence les merveilles chrétiennes : fille de la Grèce, elle admire les chefs-d’œuvre des arts créés par la puissance de la foi au milieu des déserts. Les portes du nouvel édifice attirent surtout ses regards. Elles étoient de bronze et rouloient sur des gonds d’argent et d’or. Un solitaire des rives du Jourdain, animé de l’esprit prophétique, avoit donné le dessin de ces portes à deux célèbres sculpteurs de Laodicée. On voyoit la ville sainte, tombée au pouvoir d’un peuple infidèle, assiégée par des héros chrétiens : on les reconnoissoit à la croix qui brilloit sur leurs habits. Le vêtement et les armes de ces héros étoient étrangers, mais les soldats romains croyoient retrouver quelques traits des Francs et des Gaulois parmi ces guerriers à venir. Sur leur front éclatoient l’audace, l’esprit d’entreprise et d’aventure, avec une noblesse, une franchise, un honneur, ignorés des Ajax et des Achille. Ici le camp paroissoit ému à la vue d’une femme séduisante qui sembloit implorer le secours d’une troupe de jeunes princes ; là cette même enchanteresse enlevoit un héros sur les nuages et le transportoit dans des jardins délicieux ; plus loin, une assemblée d’esprits de ténèbres étoit convoquée dans les salles brûlantes de l’enfer : le rauque son de la trompette du Tartare appelle les habitants des ombres éternelles ; les noires cavernes en sont ébranlées, et le bruit, d’abîme en abîme, roule et retombe. Avec quel attendrissement Cymodocée aperçut une femme mourante sous l’armure