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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/256

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À ces paroles, les chrétiens éclatent en sanglots. On marche vers le Calvaire : le prêtre décrit de nouveau la Voie douloureuse :

« Là fut la maison du riche ; là Jésus-Christ tomba sous sa croix ; plus loin l’Homme-Dieu dit aux femmes : « Ne pleurez pas sur moi, mais sur vous et sur vos fils. »

On arrive au sommet du Calvaire ; on y plante le signe du salut des hommes : à l’instant le soleil se couvre de ténèbres, la terre tremble, le voile du nouveau temple se déchire. Immortels témoins de la passion du Sauveur, vous vous rassemblâtes autour de la vraie croix : on vit descendre du ciel Marie mère de pitié, Madeleine pénitente, Pierre qui pleura son péché, Jean qui n’abandonna pas son maître, l’esprit redoutable qui présenta le calice amer au Rédempteur du monde, et l’ange de la mort encore épouvanté du coup qu’il porta au Fils de l’Éternel.

Bien différent fut le jour de triomphe qui suivit ce jour de deuil ! Les images des saints sont dévoilées, le feu nouveau est béni devant l’autel, l’antique Alléluia de Jacob ébranle les voûtes de l’église :

« Ô fils, ô filles de Sion ! le Roi des cieux, le Roi de gloire va sortir du tombeau ! Quel est cet ange vêtu de blanc assis à l’entrée du sépulcre ? Apôtre, accourez ! Heureux ceux qui croiront sans avoir vu ! »

Le peuple répète en chœur cet hymne des bénédictions et des louanges.

Mais rien n’égale la félicité des catéchumènes qui dans ce jour solennel passent au rang des élus. Tous, vêtus de blanc et couronnés de fleurs, reçoivent sur le front l’eau pure qui les rend à l’innocence des premiers jours du monde. Cymodocée contemploit avec envie la félicité de ces nouveaux chrétiens, mais la fille d’Homère n’étoit point encore assez instruite des vérités de la foi. Cependant elle touchoit à l’heureux moment de son baptême, elle ne devoit plus acheter que par une dernière épreuve le bonheur de partager la religion de son époux.

Tandis que, sous la protection d’Hélène, elle se croit à l’abri de tous les dangers, déjà s’avance vers Jérusalem le centurion qui poursuit la colombe fugitive. L’aruspice qui devoit consulter la sibylle de Cumes sur le sort des chrétiens avoit quitté Rome ; il étoit accompagné d’un satellite d’Hiéroclès, chargé secrètement au nom de Galérius de se rendre l’oracle favorable : aussitôt que la prêtresse auroit prononcé l’arrêt fatal, le ministre du proconsul avoit ordre de s’embarquer pour la Syrie, de saisir Cymodocée dans la ville sainte, de réclamer cette nouvelle Virginie au tribunal d’un nouvel Appius, comme une esclave chrétienne échappée à son maître.

Le prince des ténèbres, poursuivant ses desseins, avoit volé de Rome