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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/265

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et son père réclament aussi ma présence en Orient. Enfin, s’il faut des exemples de fermeté à mes frères, Dieu m’accordera peut-être les vertus qui me manquent. »

Dans ce moment une flamme surnaturelle vient éclairer au bord de l’Anio les tombes de Symphorose et de ses sent enfants martyrs.

« Voyez, s’écrie Eudore en montrant à Constantin le monument sacré, voyez quelle force Dieu peut inspirer, quand il lui plaît, à des femmes et à des enfants ! Combien ces cendres me paroissent plus illustres que la dépouille des Romains fameux qui reposent ici ! Prince, ne me ravissez point la gloire d’une semblable destinée ; permettez-moi seulement de nous jurer par le tombeau de ces saints une fidélité qui n’aura de terme que mes jours. »

À ces mots, le fils de Lasthénès voulut s’incliner avec respect sur la main qui devoit porter le sceptre du monde, mais Constantin se jette au cou d’Eudore, et presse longtemps dans ses bras un ami si noble et si magnanime.

Le prince demande son char : il y monte avec Eudore ; ils roulent, à travers les ombres, le long des portiques déserts du temple d’Hercule. L’Anio retentissoit dans les débris du palais de Mécène. Le descendant de Philopœmen et l’héritier de César réfléchissoient en silence sur le destin des hommes et des empires. Là s’étendoit cette forêt d’Albunée où les rois du Latium consultoient des dieux champêtres ; là vivoient les peuples agrestes du mont Socrate et des vallons d’Utique ; là fut le berceau de ces Sabines qui, courant échevelées entre les armées de Tatius et de Romulus, disoient aux uns : « Vous êtes nos fils et nos époux, » et aux autres : « Vous êtes nos frères et nos pères. » Le chantre de Lalagé et le ministre d’Auguste les remplacèrent sur ces bords que devoit venir fouler à son tour la reine descendue du trône de Palmyre. Le char passe rapidement la villa de Brutus, les jardins d’Adrien, et s’arrête à la tombe de la famille Plotia. Eudore se sépara de Constantin au pied de cette tour funèbre, et rentra dans Rome par un sentier désert, afin de préparer la fuite du prince. Constantin, dévorant mal ses soucis et cachant à peine sa colère, prit le chemin du palais des Thermes.

L’attaque de Galérius avoit été si brusque et la résolution de Dioclétien si prompte, que le fils de Constance, occupé tout entier du sort des chrétiens, s’étoit laissé surprendre par son ennemi. Il savoit bien que depuis longtemps César cherchoit à forcer Auguste à quitter l’empire ; mais, ou trompé ou trahi, il avoit cru cette catastrophe encore assez éloignée. Il voulut pénétrer chez Dioclétien ; déjà tout étoit