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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/284

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l’Orient, vous sortez du désert brillante de clarté. Bravez les persécutions des hommes. La nouvelle Jérusalem ne pleure point assise sous le palmier comme la Judée captive de Titus ; mais, victorieuse et triomphante, elle cueille sur ce même palmier l’immortel symbole de sa gloire ! »

En achevant ces mots, Jérôme prend congé de ses hôtes et retourne à la grotte de Bethléem.

La tribu arabe conduit les deux fugitifs, par des montagnes inaccessibles, jusqu’aux portes de Ptolémaïs. La souveraine des anges, qui ne cessoit de veiller sur Cymodocée, l’avoit soutenue miraculeusement au milieu de ses fatigues. Afin de la dérober aux yeux des païens, elle l’enveloppa d’un nuage, ainsi que Dorothée. Tous deux entrèrent dans Ptolémaïs sous ce voile. L’église, qui n’étoit point encore abattue, leur annonce la demeure du pasteur. En ces jours de tribultions, des chrétiens persécutés étoient des frères que l’on recevoit avec respect et tendresse ; on les cachoit au péril de sa vie, et les secours de la charité la plus vive leur étoient prodigués. On annonce au pasteur que deux étrangers se présentoient à sa porte ; il s’empresse de descendre. Dorothée, sans prononcer une parole, se fait reconnoître au signe du salut.

« Des martyrs ! s’écrie aussitôt le pasteur. Des martyrs ! Béni soit le jour qui vous amène à ma demeure ! Anges du Seigneur, entrez chez Gédéon : ici vous trouverez la moisson dérobée aux Moabites. »

Dorothée remet au pasteur les lettres de Jérôme, et raconte en même temps les malheurs de Cymodocée.

« Quoi ! s’écria le prêtre, c’est là l’épouse de notre défenseur ! c’est là cette vierge dont l’histoire retentit dans toute la Syrie ! Je suis Pamphile de Césarée et j’ai connu jadis Eudore en Égypte. Fille de Jérusalem, que votre gloire est grande ! Hélas ! votre illustre protectrice, Hélène la sainte, ne peut plus rien pour vous : elle est elle-même arrêtée. Les ministres d’Hiéroclès vous cherchent de tous côtés ; il faut quitter promptement cette ville ; mais il est encore des ressources : où voulez-vous porter vos pas ? »

Dorothée, dont la foi n’a pas la même ardeur que celle de Jérôme, et qui ne pénètre pas comme lui les desseins du ciel ; Dorothée, qui mêle encore à sa religion des tendresses humaines, ne croit pas que Cymodocée puisse se rendre auprès de son époux.

« C’est vous livrer à Hiéroclès, dit-il, sans espoir de sauver ni même de voir Eudore, s’il est tombé entre les mains de nos ennemis. Souffrez que je vous accompagne chez votre père. Votre présence lui rendra la vie. Nous vous cacherons dans quelque grotte inconnue et j’irai chercher à Rome le fils de Lasthénès. »