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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/288

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Zacharie apprit ensuite à Eudore l’heureuse arrivée de Constantin auprès de son père, la maladie de Constance et la disposition des soldats, qui réservoient la pourpre à son fils. Cette nouvelle ranima le courage des chrétiens, et les soutint dans ces moments d’épreuves. Eudore n’avoit jamais été sans espérance, quoique les chrétiens eussent perdu leurs puissantes protectrices : Prisca avoit accompagné son époux à Salone, et Valérie avoit été exilée en Asie par Galérius. Du fond même des prisons, Eudore suivoit un plan pour le salut de l’Église et du monde ; il vouloit engager Dioclétien à reprendre l’empire, et il lui avoit envoyé un messager au nom des fidèles.

L’Église entière s’appuyoit sur le courage, la prévoyance et les conseils d’Eudore, et Cymodocée réclamoit en vain la protection de son époux. Elle voguoit vers les rivages de la Macédoine. Des hommes affreux l’environnoient. Des soldats et des matelots, plongés du matin au soir dans la débauche et dans l’ivresse, insultoient à chaque instant l’innocence. Ils s’aperçurent bientôt que Dorothée et la fille de Démodocus étoient chrétiens. Il y a dans la croix une vertu qui se trahit aux regards du vice. Cette découverte augmenta l’insolence de ces barbares. Tantôt ils promettoient au couple infortuné de le livrer aux bourreaux en arrivant au rivage ; tantôt ils le menaçoient de le jeter dans la mer pour apaiser le courroux de Neptune ; ils faisoient retentir aux oreilles de Cymodocée des chants abominables, et sa beauté enflammant leur brutal désir, il était à craindre qu’ils n’en vinssent aux derniers outrages.

Dorothée défendoit l’innocence avec la prudence d’un père et le courage d’un héros. Mais que pouvoit un seul homme contre une troupe de tigres furieux ?

Le Fils de l’Éternel, accompagné des chœurs célestes, revenoit dans ce moment des bornes les plus reculées de la création. Il étoit sorti des demeures incorruptibles pour rendre la vie et la jeunesse à des mondes vieillis. De globe en globe, de soleil en soleil, ses pas majestueux avoient parcouru toutes ces sphères qu’habitent des intelligences divines et peut-être des hommes inconnus aux hommes. Rentré dans le sanctuaire impénétrable, il s’assied à la droite de Dieu ; ses regards pacifiques tombent bientôt sur la terre. De tous les ouvrages du Tout-Puissant, il n’en est point à ses yeux de plus agréable que l’homme. Le Sauveur aperçoit le vaisseau de Cymodocée ; il voit les périls de cette victime innocente qui doit attirer sur les gentils la bénédiction du Dieu d’Israël. Si le ciel a permis que cette nouvelle chrétienne fut éprouvée, c’est pour lui donner la force de surmonter les dernières afflictions qui la couvriront d’une gloire immortelle. Mais l’épreuve est