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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/291

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fut un miracle de votre bonté divine ! On ne vit point un dieu imaginaire lever la tête au-dessus des vagues et leur commander le silence, mais une lumière surnaturelle entr’ouvrit les nuées : au milieu d’une gloire, on aperçut une femme céleste portant un enfant dans ses bras et calmant les flots par un sourire. Les mariniers se jettent aux genoux de Cymodocée et confessent Jésus-Christ : première récompense que l’Éternel accorde aux vertus d’une vierge persécutée !

Le vaisseau s’approche doucement de la rive, où s’élevoit une chapelle chrétienne abandonnée. On précipite au fond de la mer des sacs remplis de pierres attachés à un câble de Tyr et l’ancre sacrée, dernière ressource dans les naufrages. Parvenu à fixer la galère, on se hâte de l’abandonner. Comme une reine environnée d’une troupe de captifs qu’elle vient de délivrer de l’esclavage, Cymodocée descend à terre, portée sur les épaules des matelots. À l’instant même elle accomplit son vœu. Elle marche à la chapelle en ruine. Les matelots la suivent deux à deux, demi-nus et couverts de l’écume des flots. Soit hasard, soit dessein du ciel, il restoit dans cet asile désert une image de Marie à moitié brisée. L’épouse d’Eudore y suspendit son voile tout trempé des eaux de la mer. Cymodocée prenoit possession d’une terre réservée à sa gloire : elle entroit triomphante en Italie.


fin du livre dix-neuvième.