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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/292

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Livre Vingtième.

Cymodocée, arrêtée par les satellites d’Hiéroclès, est conduite à Rome. Émeute populaire. Cymodocée, délivrée des mains d’Hiéroclès, est renfermée dans les prisons comme chrétienne. Disgrâce d’Hiéroclès. Il reçoit l’ordre de partir pour Alexandrie. Lettre d’Eudore à Cymodocée.

L’aurore avoit rappelé les mortels aux fatigues et aux douleurs ; ils reprenoient de toutes parts leurs travaux pénibles : le laboureur suivoit la charrue en arrosant de ses sueurs le sillon que le bœuf avoit tracé : la forge retentissoit des coups du marteau qui tomboit en cadence sur le fer étincelant ; une rumeur confuse s’élevoit des cités. Le ciel étoit serein et l’orient radieux. On n’envoya point au-devant de Cymodocée une galère ornée de bandelettes ; un char attelé de quatre chevaux blancs ne l’attendoit point sur la rive. Les honneurs que lui préparoit l’Italie étoient de ceux qu’elle décernoit aux chrétiens : la persécution et la mort.

Les décrets du ciel avoient conduit la fille d’Homère non loin de Tarente, sous un promontoire avancé qui déroboit aux yeux des naufragés la patrie d’Architas. Le pilote monta sur de haut rochers, et jetant ses regards autour de lui, il s’écria tout à coup :

« L’Italie ! l’Italie ! »

À ce nom, Cymodocée sentit ses genoux se dérober sous elle ; son soin se souleva comme la vague enflée par le vent. Dorothée fut obligé de la soutenir dans ses bras, tant elle éprouva de joie à fouler la même terre que son époux. Puisque Dieu la séparoit de son père, qu’elle croyoit encore en Messénie, du moins elle pouvoit voler à Rome.

« Je suis chrétienne à présent, disoit-elle : Eudore ne peut plus m’empêcher de partager ses douleurs. »

Comme Cymodocée prononçoit ces mots, on vit un vaisseau tourner le promontoire voisin. Il étoit tiré par une barque chargée de soldats. Bientôt les matelots cessent de ramer. Les soldats coupent la corde qui