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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/310

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Festus, suivant les formes usitées, dit :

« Quel est ton nom ? »

Eudore répond :

« Je m’appelle Eudore, fils de Lasthénés. »

Le juge dit :

« N’as-tu pas connoissance des édits qui ont été publiés contre les chrétiens ? »

Eudore répond :

« Je les connois. »

Le juge dit :

« Sacrifie donc aux dieux. »

Eudore répond :

« Je ne sacrifie qu’à un seul Dieu, créateur du ciel et de la terre. »

Festus ordonne de dépouiller Eudore, de l’étendre sur le chevalet et de lui attacher des poids aux pieds.

Le juge dit :

« Eudore, je te vois pâlir, tu souffres. Aie pitié de toi-même : souviens-toi de ta gloire et des honneurs dont tu as été comblé ! Jette les yeux sur ta maison près de tomber par ta chute : vois les larmes de ton père, écoute les plaintes de tes aïeux. Ne crains-tu point de combler d’un ennui éternel la déplorable vieillesse de ceux qui t’ont donné la vie ? »

Eudore répond :

« Ma gloire, mes honneurs et mes parents sont dans le ciel. »

Le juge dit :

« Seras-tu donc insensible aux douceurs et aux promesses d’un chaste hyménée ? »

Eudore ne répond point.

Le juge dit :

« Tu t’attendris, achève ; laisse-toi toucher : sacrifie, ou tremble des maux qui t’attendent. »

Eudore répond :

« Que me serviroit d’avoir tremblé devant un juge qui doit mourir comme moi ? »

Festus fait déchirer Eudore avec des ongles de fer. Le sang couvre le corps du confesseur, comme la pourpre de Tyr teint l’ivoire de l’Inde ou la laine la plus blanche de Milet.

Alors le juge :

« Es-tu vaincu ? Vas-tu sacrifier aux dieux ! Songe, si tu t’obstines, que tu entraîneras dans ta perte ton père, tes sœurs et celle qui étoit destinée à ton lit. »