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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/311

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Eudore s’écrie :

« D’où me vient ce bonheur d’être sacrifié trois fois pour mon Dieu ? »

On écarte les pieds du confesseur dans les entraves ; on fait rougir la chaise de fer ; on prépare la poix bouillante et les tenailles. Eudore ne paroît pas souffrir. On voyoit sur son visage briller l’allégresse : jointe à une douce gravité et la majesté au milieu des grâces. La chaise de fer est préparée. Le docteur des chrétiens, assis dans le fauteuil embrasé, prêche plus éloquemment l’Évangile. Des Séraphins répandent sur Eudore une rosée céleste, et son ange gardien lui fait une ombre de ses ailes. Il paroissoit dans la flamme comme un pain délicieux préparé pour les tables éternelles. Les païens les plus intrépides détournoient la tête : ils ne pouvoient soutenir l’éclat du martyr. Les bourreaux, fatigués, se relayoient les uns les autres ; le juge regardoit le chrétien avec un secret effroi : il croyoit voir un dieu sur cette chaise ardente. Le confesseur lui crie :

« Remarquez bien mon visage, afin de le reconnoître à ce jour terrible où tous les hommes seront jugés ! »

À ces mots, Festus, troublé, fait suspendre le supplice. Il se précipite de son tribunal, passe derrière le rideau, et laisse l’écrivain lire en tremblant cette sentence :

« La clémence de l’invincible Auguste ordonne que celui qui, refusant d’obéir aux sacrés édits, n’a pas voulu sacrifier, soit exposé aux bêtes, dans l’amphithéâtre, le jour de la divine naissance de notre empereur éternel. »

Aussitôt Eudore est reporté par les soldats à la prison. Déjà les confesseurs étoient instruits de son triomphe. Au moment où la porte du cachot s’entr’ouvre et laisse voir aux évêques le martyr pâle et mutilé, ils s’avancent au-devant de lui, Cyrille à leur tête, et entonnent tous à la fois ce cantique :

« Il a vaincu l’enfer, il a cueilli la palme ! Entrez dans le tabernacle du Seigneur, ô prêtre illustre de Jésus-Christ !

« Quel éclat sort de ses plaies ! il a été éprouvé par le feu, comme l’argent raffiné jusqu’à sept fois.

« Il a vaincu l’enfer, il a cueilli la palme ! Entrez dans le tabernacle du Seigneur, ô prêtre illustre de Jésus-Christ ! »

Les anges répétoient dans le ciel ce cantique, et un nouveau sujet d’allégresse charmoit les esprits bienheureux.

Eudore, dans le cours de ses actes glorieux, avoit offert secrètement son sacrifice pour le salut de sa mère. Depuis longtemps averti en songe de la destinée de Séphora, il prioit le Très-Haut d’accorder