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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/313

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s’avance par un chemin semé de soleils, au milieu des parfums incorruptibles et des fleurs célestes que les anges répandent sous ses pas. Le chœur des vierges la précède, en chantant des hymnes. Auprès d’elle paroissoient les femmes les plus illustres : Élisabeth, dont l’enfant tressaillit à l’approche de Marie ; Madeleine, qui répandit un nard précieux sur les pieds de son Maître et les essuya de ses cheveux ; Salomé, qui suivit Jésus au Calvaire ; la mère des Machabées, celle des sept enfants martyrs ; Lia et Rachel ; Esther, reine encore ; Débora, de qui la tombe vil croître le chêne des pleurs, et l’épouse d’Élimélech, que les anges ont appelé Belle et les hommes Noémi.

Entre le ciel et l’enfer s’étend une vaste demeure, consacrée aux expiations des morts. Sa base touche aux régions des douleurs infinies et son sommet à l’empire des joies intarissables. Marie porte d’abord la consolation aux lieux les plus éloignés du séjour des béatitudes. Là des malheureux, haletants et couverts de sueur, s’agitent au milieu d’une nuit obscure. Leurs noires paupières ne sont éclairées que par les flammes voisines de l’enfer. Les âmes éprouvées dans cette enceinte ne partagent point les supplices éternels, mais elles en ont la terreur. Elles entendent le bruit des tourments, le retentissement des fouets, le fracas des chaînes. Un fleuve brûlant formé des pleurs des réprouvés les sépare seul de l’abîme où elles craindroient d’être ensevelies, si elles n’étoient rassurées par un espoir sans cesse éteint et toujours renaissant.

L’apparition de la Reine des anges au milieu de ces infortunés suspendit un moment l’horreur de leurs craintes. Une lumière divine éclaira les prisons expiatoires, pénétra jusque dans l’enfer, et l’enfer, étonné, crut voir entrer l’Espérance. Saisie d’une pitié céleste, Marie passe avec sa pompe angélique à des régions moins obscures et moins malheureuses. À mesure qu’on s’élève dans ces lieux d’épreuves, ces lieux s’embellissent, et les peines deviennent plus douces et moins durables. Des anges compatissants, bien que sévères, veillent aux pénitences des âmes éprouvées. Au lieu d’insulter à leurs peines, comme les esprits pervers aux pleurs des damnés, ils les consolent et les invitent au repentir ; ils leur peignent la beauté de Dieu et le bonheur d’une éternité passée dans la contemplation de l’Être suprême.

Un spectacle extraordinaire frappe surtout les regards des saintes femmes descendues des cieux avec la Reine des vierges : des âmes deviennent peu à peu rayonnantes et lumineuses, au milieu des autres âmes qui les entourent ; une auréole glorieuse se forme autour de leur front : transfigurées par degrés, elles s’envolent à des régions plus élevées, d’où elles entendent les divins concerts. C’étoient des morts