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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/328

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le chef de ces impies ! Je ne veux plus qu’on perde le temps à les tourmenter. Je condamne aux bêtes tous les chrétiens des prisons, sans distinction d’âge ni de sexe, pour le jour de ma naissance. Allez, et publiez cet arrêt. »

Festus connoissoit la violence de Galérius : il ne répliqua point. Il sortit, et fit déclarer les ordres du prince, mais en se disant comme Pilate :

« Je suis innocent de la mort de ces justes. »

Lorsque Hiéroclès vint le trouver au milieu de la nuit, il se sentit saisi d’une nouvelle pitié pour Eudore. Un homme naturellement cruel, comme l’étoit le juge des chrétiens, peut toutefois être ennemi de la bassesse : il fut indigné des lâches desseins du ministre tombé ; il lui vint en pensée de profiter de la proposition de ce méchant, pour sauver le fils de Lasthénès en l’engageant à sacrifier aux dieux. Il écrivit alors la lettre qu’Eudore reçut au repas funèbre.

Dieu, qui vouloit le triomphe de son Église, faisoit tourner à la gloire des martyrs tout ce qui auroit pu leur ravir la couronne. Ainsi la fermeté d’Eudore dans les supplices ne fit que hâter la mort de ses compagnons, et la lettre de Festus aggrava des maux qu’elle étoit destinée à prévenir. Galérius, instruit de la scène du banquet, cassa les centurions qui avoient montré quelque respect pour leur ancien général ; on éloigna de Rome, sous différents prétextes, les légions étrangères, et les prétoriens, gorgés de vin et d’or, eurent seuls la garde de la ville. Le nom de Cymodocée, d’Eudore et d’Hiéroclès, frappant de nouveau les oreilles de l’empereur, le plongea dans une violente colère : Galérius désigna particulièrement l’épouse d’Eudore pour le massacre du lendemain ; il ordonna que le fils de Lasthénès parût seul, et le premier, dans l’amphithéâtre, le privant ainsi du bonheur de mourir avec ses frères ; enfin, il commanda de jeter Hiéroclès au fond d’un vaisseau et de le conduire au lieu de son exil.

Cette sentence, subitement portée à Hiéroclès, lui donna le coup de la mort. La patience et la miséricorde de Dieu touchoient à leur terme, et la justice alloit commencer. À peine Hiéroclès étoit sorti de la maison du juge, qu’il se sentit de nouveau frappé par le glaive de l’ange exterminateur. Dans un instant la maladie dont il est dévoré ne laisse plus au médecin aucune espérance. Les païens, qui regardent la lèpre comme une malédiction du ciel, s’éloignent de l’apostat ; ses esclaves mêmes l’abandonnent. Délaissé du monde entier, il ne trouve de secours que dans les hommes qu’il a si cruellement poursuivis. Les chrétiens, dont la charité ose seule braver toutes les misères humaines, ouvrent leurs hospices à leur persécuteur. Là, couché près