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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/424

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31e. — page 91.

Nous Crétois… nous prenions nos rangs au son de la lyre.

Ceci n’est point un tour poétique, c’est la pure vérité : les Crétois régloient la marche de leurs guerriers au son d’une lyre.


32e. — page 91.

Parés de la dépouille des ours.

Ce n’étoit pas l’habillement des Francs, mais c’étoit leur parure. Tous les barbares de la Germanie, et même avant eux les Gaulois, se couvroient de peaux de bêtes, ainsi que le racontent César, de Bell. Gall., lib. VI ; Tacite, de Mor. Germ., 6, 7, etc. L’uroch dont il est ici question, et que les auteurs latins appellent urus, étoit une espèce de bœuf sauvage ; on en parlera ailleurs.


33e. — page 91.

Une tunique courte et serrée, etc., jusqu’à l’alinéa.

Tout ce paragraphe est tiré de Sidoine Apollinaire, dans son Panégyrique de Majorien ; c’est le plus ancien document que nous ayons touchant les costumes de nos pères : je l’ai traduit presque littéralement dans le texte. Peloutier demande où Mézeray a pris que les Francs avoient les yeux verts ; il cite un mot grec qui veut dire bleu, et que Mézeray, dit-il, a mal interprété. Peloutier se trompe ; Mézeray n’a traduit ici ni Strabon ni Diodore, qui n’ont pu parler des Francs, ni Agathias, ni Anne Comnène ; il avoit sans doute en vue le passage de Sidoine dont je me suis servi. J’ai donc pu dire poétiquement, des yeux couleur d’une mer orageuse, autorisé d’un côté par les vers de Sidoine, qui donnent aux Francs des yeux verdâtres, et de l’autre par le témoignage de toute l’antiquité, qui parle du regard terrible des barbares. Remarquons que les perruques à la Louis XIV, dont on ramenoit les cheveux en devant sur les épaules, ressembloient parfaitement à la chevelure des Francs. Je parlerai plus bas du javelot appelé angon : ce mot est d’ailleurs dans le Dictionnaire de l’Académie. Anne Comnène nous a laissé la description d’un Franc ou François, assez curieuse pour être rapportée ; on y voit la physionomie d’un barbare à travers l’imagination d’une Grecque. « La présence de Boémond éblouissoit autant les yeux que sa réputation étonnoit l’esprit. Sa taille étoit si avantageuse, qu’il surpassoit d’une coudée les plus grands. Il étoit menu par le ventre et par les côtés, et gros par le dos et par l’estomac ; il avoit les bras forts et robustes. Il n’étoit ni maigre ni gras, mais dans une juste température, et telle que Polyclète l’exprimoit ordinairement dans ses ouvrages, qui étoient une imitation fidèle de la perfection de la nature. Il avoit les mains grandes et pleines, les pieds fermes et solides. Il étoit un peu