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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/464

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38e. — page 132.

Ce que l’on admire partout dans les Gaules… ce sont les forêts.

Que les forêts étoient remarquables dans les Gaules, je le tire de plusieurs faits :

1o Les Gaulois avoient une grande vénération pour les arbres. On sait le culte qu’ils rendoient au chêne. Pline cite le bouleau, le frêne et l’orme gaulois pour la bonté (lib. xvi).

2o Les Gaulois apprirent des Marseillois à labourer et à cultiver la vigne et l’olivier (Justin, XLIII). Ils ne vivoient auparavant que de lait et de chasse ce qui suppose des forêts.

3o Strabon, parlant des Gaulois, met au nombre de leurs récoltes les glands, par lesquels il faut entendre, comme les Grecs et les Latins, tous les fruits des arbres glandifères. (Strabon, liv. IV.)

4o Pline, en parlant des foins, cite la faux des Gaulois comme plus grande et propre aux vastes pâturages de ce pays (lib. xviii, 27, 30). Or, tout pays abondant en pâturages est presque toujours entrecoupé de forêts.

5o Pomponius Mela dit expressément que la Gaule étoit semée de bois immenses consacrés au culte des dieux (lib. ii, cap. xi).

6o On voit souvent dans César et dans Tacite les armées traverser des bois.

7o On remarque la même chose dans l’expédition d’Annibal lorsqu’il passa d’Espagne en Italie.

8o Parmi les bois connus, je citerai celui de Vincennes, consacré dans toute l’antiquité au dieu Sylvain. (Mém. de l’Acad. des Inscrip., tome XIII, p. 329.)

9o Marseille fut fondée dans une épaisse forêt.

10o Selon saint Jérôme, les bois des Gaules étoient remplis d’une espèce de porcs sauvages très-dangereux.

11o La terminaison oel, si fréquente en langue celtique, veut dire bois. Quelques auteurs ont cru que le mot gaulois venoit du celte galt, qui signifie foret : j’ai adopté une autre étymologie de ce nom.

12o Presque tous les anciens monastères des Gaules furent pris sur des terres du désert, ab eremo, comme le prouve une foule d’actes cités par Du Cange, au mot eremus. Ces déserts étoient des bois, comme je l’ai prouvé dans le Génie du Christianisme.

13o Strabon fait mention de grandes forêts qui s’étendoient dans les pays des Morini, des Suessiones, des Caleti, depuis Dunkerque jusqu’à l’embouchure de la Seine, quoique, dit-il, les bois ne soient pas aussi grands ni les arbres aussi élevés qu’on l’a écrit (lib. IV).

14o Enfin, si nous jugeons des Gaules par la France, je n’ai point vu en Amérique de plus belles forêts que celles de Compiègne et de Fontainebleau. Nemours, qui touche à cette dernière, indique encore dans son nom son origine.