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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/510

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LIVRE QUATORZIÈME.


1re Remarquepage 188.

À l’entrée de l’Herméum, etc.

On appeloit Herméum en Grèce certains défilés de montagnes où l’on plaçoit des statues de Mercure. Plusieurs Herméums conduisoient de la Messénie dans la Laconie et dans l’Arcadie. Je fais suivre à Démodocus l’Herméum que j’ai moi-même traversé.


2e. — page 188.

Cachée parmi des genêts à demi-brûlés.

Voici un passage de mon Itinéraire :

Route de la Messénie à Tripolizza. « Après trois heures de marche, nous sortîmes de l’Herméum, assez semblable dans cette partie au passage de l’Apennin, entre Pérouse et Tarni. Nous entrâmes dans une plaine cultivée, qui s’étend jusqu’à Léontari. Nous étions là en Arcadie, sur la frontière de la Laconie. On convient généralement que Léontari n’est point Mégalopolis… Laissant à droite Léontari, nous traversâmes un bois de vieux chênes, reste vénérable d’une forêt sacrée. Nous vîmes le plus beau soleil se lever sur le mont Borée. Nous mîmes pied à terre au bas de ce mont, pour gravir un chemin taillé perpendiculairement dans le roc. C’étoit un de ces chemins appelés chemins de l’Échelle, en Arcadie… Nous nous trouvions dans le voisinage d’une des sources de l’Alphée. Je mesurois avidement des yeux les ravines que je rencontrois : tout étoit muet et desséché. Le chemin qui conduit du Borée à Tripolizza traverse d’abord des plaines désertes, et se plonge ensuite dans une longue vallée de pierres. Le soleil nous dévoroit. À quelques buissons rares et brûlés étoient suspendues des cigales qui se taisoient à notre approche. Elles recommençoient leurs cris dès que nous étions passés. On n’entendoit que ce bruit monotone, le pas de nos chevaux et la chanson de notre guide. Lorsqu’un postillon grec monte à cheval, il commence une chanson qu’il continue pendant toute la route. C’est presque toujours une longue histoire rimée qui charme les ennuis des descendants de Linus. Il me semble encore ouïr le chant de mes malheureux guides : la nuit, le jour, au lever, au coucher du soleil, dans les solitudes de l’Arcadie, sur les bords de l’Eurotas, dans les déserts d’Argos, de Corinthe, de Mégare ; beaux lieux où la voix des Ménades ne retentit plus, où les concerts des Muses ont cessé, où le Grec infortuné semble seulement déplorer dans de tristes complaintes les malheurs de sa patrie ! »

....Soli periti cantare
Arcades !