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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/520

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delle, et c’étoit entre les dernières et au pied de la première qu’Athènes se montroit à moi. Ses toits aplatis, entremêlés de minarets, de palmiers, de ruines et de colonnes isolées, les dômes de ses mosquées couronnés par de gros nids de cigognes, semblables à des corbeilles, faisoient un effet agréable aux rayons du soleil levant. Mais si l’on reconnoissoit encore Athènes à quelques débris, on voyoit aussi, à l’ensemble de l’architecture et au caractère général des monuments, que la ville de Minerve n’étoit plus habitée par son peuple.

« Une enceinte de montagnes, qui se termine à la mer, forme la plaine ou le bassin d’Athènes. Du point où je voyois cette plaine au petit mont Poncile, elle paroissoit divisée en trois bandes ou régions, courant dans une direction parallèle du nord au midi. La première de ces régions, et la plus voisine de moi, étoit inculte et couverte de bruyères ; la seconde offroit un terrain labouré où l’on venoit de faire la moisson ; la troisième présentoit un long bois d’oliviers qui s’étendoit un peu circulairement depuis les sources de l’Ilissus, en passant au pied de l’Anchesme, jusque vers le port de Phalère. Le Céphise coule dans cette forêt, qui par sa vieillesse semble descendre de l’olivier que Minerve fit sortir de la terre. L’Ilissus a son lit desséché de l’autre côté d’Athènes, entre le mont Hymette et la ville.

« La plaine n’est pas parfaitement unie : une petite chaîne de collines détachées du mont Hymette en surmonte le niveau, et forme ces différentes hauteurs sur lesquelles Athènes plaça peu à peu ses monuments.

« Ce n’est pas dans le premier moment d’une émotion très-vive que l’on jouit le plus de ses sentiments. Je m’avançois vers Athènes dans une espèce de trouble qui m’ôtoit le pouvoir de la réflexion. Nous traversâmes promptement les deux premières régions, la région inculte et la région cultivée, et nous entrâmes dans le bois d’oliviers. Je descendis un moment dans le lit du Céphise, qui étoit alors sans eau, parce que dans cette saison les paysans la détournent pour arroser leurs oliviers. En sortant du bois, nous trouvâmes un jardin environné de murs, et qui occupe à peu près la place du Céramique. Nous mîmes une demi-heure pour nous rendre à Athènes, à travers un chaume de froment. Un mur moderne renferme la ville. Nous en franchîmes la porte, et nous pénétrâmes dans de petites rues champêtres, fraîches et assez propres. Chaque maison a son jardin planté d’orangers et de figuiers. Le peuple me parut gai et curieux, et n’avoit point l’air avili et abattu des Moraïtes. On nous enseigna la maison de M. Fauvel, qui demeure près du portique d’Adrien, dans le voisinage de Pœcile et de la rue des Trépieds. »