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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/583

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« Si on eût examiné les passages des saints Pères sur ce point[1], on auroit vu saint Ambroise, saint Hilaire, saint Grégoire de Nazianze, saint Jérôme, parlant, d’après l’Écriture, des anges qui président aux actions des hommes, aux monarchies, aux empires, aux provinces, aux nations, aux lieux saints, etc. ; on auroit vu dans Tertullien l’ange du baptême, l’ange de la prière[2] ; on auroit vu dans Origène l’énumération des mauvais anges, l’ange de l’avarice, l’ange de la fornication, l’ange de l’orgueil, etc.[3] ; et alors on auroit reconnu que les petits moyens employés par M. de Chateaubriand lui ont été fournis par le témoignage unanime de l’Écriture et de la tradition.

« Mais peut-être les Pères de l’Église que je viens de citer ont-ils aussi diminué l’idée que nous devons avoir de notre Dieu, et peut-être leurs anges ne méritent-ils pas plus de respect que ceux de M. de Chateaubriand ? En ce cas, il me reste encore une autorité à citer.

« Si on avoit lu les écrits immortels d’un homme plus grand en matière de religion que tous les hommes de son siècle, qui cependant porte encore sans réclamation le nom de grand, d’un homme qui a parlé de la Divinité d’une manière si sublime, que la postérité a dit de lui qu’il sembloit avoir assisté aux conseils du Très-Haut, on y auroit lu :

« Quand je vois dans les prophètes, dans l’Apocalypse et dans l’Évangile même, cet ange des Perses, cet ange des Grecs, cet ange des Juifs, l’ange des petits enfants, qui en prend la défense devant Dieu contre ceux qui les scandalisent, l’ange des eaux, l’ange du feu, et ainsi des autres ; et quand je vois parmi tous ces anges celui qui mit sur l’autel le céleste encens des prières, je reconnois dans ces paroles une espèce de médiation des saints anges ; je vois même le fondement qui peut avoir donné occasion aux païens de distribuer leurs divinités dans les éléments et dans les royaumes pour y présider : car toute erreur est fondée sur quelques vérités dont on abuse. Mais à Dieu ne plaise que je voie rien dans toutes ces expressions de l’Écriture qui blesse la médiation de Jésus-Christ, que tous les esprits célestes reconnoissent comme leur Seigneur, ou qui tienne des erreurs païennes, puisqu’il y a une différence infinie entre reconnoître, comme les païens, un Dieu dont l’action ne puisse s’étendre à tout, ou qui ait besoin d’être soulagé par des subalternes, à la manière des rois de la terre, dont la puissance est bornée, et

  1. Voyez ces divers passages dans dom Calmet.
  2. Voyez Tertull., de Oratione, 12 ; de Baptis., 5, 6.
  3. Voyez Orig., hom. xv, in Josue.