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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/584

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un Dieu qui, faisant tout et pouvant tout, honore ses créatures en les associant, quand il lui plaît, et à la manière qu’il lui plaît, à son action. »

« L’homme qui attribue ces petits moyens au suprême Ordonnateur des mondes, et qui nuit ainsi à la poësie et à la religion, se nomme Bossuet[1] ; et je prie de remarquer qu’il n’écrivoit ce que l’on vient de lire que « pour combattre la grossière imagination de ceux qui croient toujours ôter à Dieu tout ce qu’ils donnent à ses saints et à ses anges dans l’accomplissement de ses ouvrages[2]. »

Mon défenseur ne me laisse presque plus rien à dire. Comment se fait-il que dans le siècle où nous sommes il y ait des critiques assez peu instruits des choses dont ils se mêlent de parler pour s’exposer à recevoir de pareilles leçons ? Y a-t-il des chrétiens assez ignorants des vérités de la foi pour avoir été dupes des assertions de ces théologiens équivoques ? Couronnons les autorités produites ci-dessus par une autorité qui seule les vaut toutes.

Le Fils de l’Éternel va donner son sang pour racheter les hommes.

« Jésus alla, selon sa coutume, à la montagne des Oliviers… Il se mit à genoux, et fit sa prière en disant :

« Mon Père, éloignez de moi, s’il vous plaît, ce calice ! Néanmoins, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la vôtre. »

« Alors il lui apparut un ange du ciel, qui le fortifia. »

Cet ange agissoit donc en contradiction avec la volonté directe et du Fils et du Père ? Et combien cet ange doit ici paroître à mes censeurs petit, foible, déplacé ! car ce n’est pas un homme qu’il vient secourir, c’est le Fils même de l’Éternel ! Que lui sert, d’ailleurs, de s’interposer entre les personnes divines, puisqu’il ne peut arracher à la croix le Sauveur du monde ? L’Évangile vous répond : Il le fortifioit !

Ce dernier mot nous fait voir qu’une critique irréfléchie en se récriant contre le ministère des anges a attaqué une des doctrines les plus belles, les plus consolantes, les plus poétiques du christianisme.

On a dit : « Le Dieu des chrétiens sachant tout, ordonnant tout, il est ridicule de le voir employer des anges pour exécuter sa volonté, qui s’exécute d’elle-même. C’est bien pis quand ses anges agissent comme s’ils pouvoient changer ses décrets. Les anges qui viennent inspirer Eudore dans le sénat ne jouent-ils pas un rôle absurde, puisque l’Éternel veut laisser triompher l’enfer ? etc. »

La première réponse à cette objection se trouve dans l’admirable

  1. Voyez Bossuet sur l’Apocal., no xxvii.
  2. ibid.