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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 4.djvu/593

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fait et ceux que l’on fit à l’archevêque de Cambrai : ce qui prouve qu’une critique sans bonne foi est bien peu capable de mesure et de décence, puisque les beaux talents de Fénelon n’ont pu le sauver des outrages auxquels la foiblesse des miens m’a naturellement exposé.

La Télémacomanie est un volume in-12 de quatre cent soixante-dix-sept pages, imprimé en 1700, à Eleutéropte, chez Pierre Philalèthe. Mes censeurs, qui savent le grec, entendront d’abord la bonne plaisanterie renfermée dans ces deux noms. Je saute les épigraphes charmantes du livre, et je passe à l’Avis au lecteur. Il commence ainsi :

« Le profond respect et la haute estime que j’ai toujours eus pour le grand homme que la voix publique fait auteur de l’Histoire des aventures de Télémaque m’avoient fait prendre une ferme résolution de supprimer et de jeter au feu les critiques que j’avois faites de ce livre. » (Télémacomanie, p. 1.)

Faydit déduit les raisons qui l’ont déterminé à publier son libelle, et il ajoute :

« Je l’ai intitulé Télémacomanie pour marquer l’injustice de la passion et de la fureur avec laquelle on court à la lecture du roman de Télémaque, comme à quelque chose de fort beau, au lieu que je prétends qu’il est plein de défauts et indigne de l’auteur. » (P. 8.)

Après l’Avis au lecteur, on passe à la critique. Faydit démontre que la vogue d’un livre ne signifie rien pour le mérite réel de ce livre.

Le procès aux éditions étant fait, Faydit, homme fort grave, fort scrupuleux, excellent chrétien, s’élève avec force contre les tableaux voluptueux du Télémaque.

« Je n’ai presque vu autre chose dans les premiers tomes du Télémaque de M. de Cambrai que des peintures vives et naturelles de la beauté des nymphes et des naïades…, de leurs intrigues à se faire aimer, et de la bonne grâce avec laquelle elles nagent toutes nues aux yeux d’un jeune homme pour l’enflammer… La description de l’île de Chypre et des plaisirs de toutes les sortes qui sont permis en ce charmant pays, aussi bien que les fréquents exemples de toute la jeunesse qui, sous l’autorité des lois et sans le moindre sentiment de pudeur, s’y livre impunément à toutes sortes de voluptés et de dissolutions, occupe une bonne partie du premier et du second tome du roman de votre prélat. » (P. 5.)

« Je voudrois bien savoir à quoi peuvent servir de pareilles lectures, qu’à corrompre l’esprit des jeunes gens qui les font et qu’à exciter en eux des images que la religion nous oblige au contraire d’écarter et d’étouffer. » (P. 6.)

La colère de Faydit va plus loin : il déclare nettement que ce roman