Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 5.djvu/375

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Cette place forme un parvis qui peut avoir cinq cents pas de longueur sur quatre cent soixante de largeur. Les murailles de la ville ferment ce parvis à l’orient et au midi. Il est borné à ! occident par des maisons turques, et au nord par les ruines du prétoire de Pilate et du palais d’Hérode.

Douze portiques, placés à des distances inégales les uns des autres et tout à fait irréguliers comme les cloîtres de l’Alhambra, donnent entrée sur ce parvis. Ils sont composés de trois ou quatre arcades, et quelquefois ces arcades en soutiennent un second rang ; ce qui imite assez bien l’effet d’un double aqueduc. Le plus considérable de tous ces portiques correspond à l’ancienne porta Speciosa, connue des chrétiens par un miracle de saint Pierre. Il y a des lampes sous ces portiques.

Au milieu de ce parvis on en trouve un plus petit, qui s’élève de si à sept pieds, comme une terrasse sans balustres, au-dessus du précédent. Ce second parvis a, selon l’opinion commune, deux cents pas de long sur cent cinquante de large ; on y monte de quatre côtés par un escalier de marbre, chaque escalier est composé de huit degrés.

Au centre de ce parvis supérieur s’élève la fameuse mosquée de la Roche. Tout auprès de la mosquée est une citerne, qui tire son eau de l’ancienne fontaine Scellée 46. , et où les Turcs font leurs ablutions avant la prière. Quelques vieux oliviers et des cyprès clairsemés sont répandus çà et là sur les deux parvis.

Le temple est octogone : une lanterne également à huit faces, et percée d’une fenêtre sur chaque face, couronne le monument. Cette lanterne est recouverte d’un dôme. Ce dôme était autrefois de cuivre doré, il est de plomb aujourd’hui ; une flèche d’un assez bon goût, terminée par un croissant, surmonte tout l’édifice, qui ressemble à une tente arabe élevée au milieu du désert. Le père Roger donne trente-deux pas à chaque côté de l’octogone, deux cent cinquante-deux pas de circuit à la mosquée en dehors, et dix-huit ou vingt toises d’élévation au monument entier.

Les murs sont revêtus extérieurement de petits carreaux ou de briques peintes de diverses couleurs ; ces briques sont chargées d’arabesques et de versets du Coran écrits en lettres d’or. Les huit fenêtres de la lanterne sont ornées de vitraux ronds et coloriés. Ici nous trouvons déjà quelques traits originaux des édifices moresques de l’Espagne : les légers portiques des parvis et les briques peintes de la mosquée rappellent diverses parties du Généralife, de l’Alhambra et de la cathédrale de Cordoue.