Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/54

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leurs institutions politiques, telles que la barbarie, le temps et le hasard les ont produites, alors ce développement de l’industrie, des sciences et des arts semblera ce qu’il est en effet, une chose légitime et naturelle. Dans ce mouvement universel on reconnoîtra celui de la société, qui, finissant son histoire particulière, commence son histoire générale.

Autrefois, quand on avoit quitté ses foyers comme Ulysse, on étoit un objet de curiosité ; aujourd’hui, excepté une demi-douzaine de personnages hors de ligne par leur mérite individuel, qui peut intéresser au récit de ses courses ? Je viens me ranger dans la foule des voyageurs obscurs qui n’ont vu que ce que tout le monde a vu, qui n’ont fait faire aucun progrès aux sciences, qui n’ont rien ajouté au trésor des connoissances humaines ; mais je me présente comme le dernier historien des peuples de la terre de Colomb, de ces peuples dont la race ne tardera pas à disparoître ; je viens dire quelques mots sur les destinées futures de l’Amérique, sur ces autres peuples héritiers des infortunés Indiens : je n’ai d’autre prétention que d’exprimer des regrets et des espérances.