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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/55

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INTRODUCTION.

Dans une note de l’Essai historique[1], écrite en 1794, j’ai raconté, avec des détails assez étendus, quel avoit été mon dessein en passant en Amérique ; j’ai plusieurs fois parlé de ce même dessein dans mes autres ouvrages, et particulièrement dans la préface d’Atala. Je ne prétendois à rien moins qu’à découvrir le passage au nord-ouest de l’Amérique, en retrouvant la mer Polaire, vue par Hearne en 1772, aperçue plus à l’ouest en 1789 par Mackenzie, reconnue par le capitaine Parry, qui s’en approcha en 1819 à travers le détroit de Lancastre, et en 1821 à l’extrémité du détroit de L’Hécla et de La Fury[2] ; enfin le capitaine Franklin, après avoir descendu successivement la rivière de Hearne en 1821, et celle de Mackenzie en 1826, vient d’explorer les bords de cet océan, qu’environne une ceinture de glaces, et qui jusqu’à présent a repoussé tous les vaisseaux.

Il faut remarquer une chose particulière à la France : la plupart de ses voyageurs ont été des hommes isolés, abandonnés à leurs propres forces et à leur propre génie : rarement le gouvernement ou des compagnies particulières les ont employés ou secourus. Il est arrivé de là que des peuples étrangers, mieux avisés, ont fait, par un concours de volontés nationales, ce que les individus françois n’ont pu achever. En France on a le courage ; le courage mérite le succès, mais il ne suffit pas toujours pour l’obtenir.

  1. Essai historique sur les Révolutions, iie partie, chap. xxiii.
  2. Cet intrépide marin étoit reparti pour le Spitzberg avec l’intention d’aller jusqu’au pôle en traîneau. Il est resté soixante et un jours sur la glace sans pouvoir dépasser le 82e degré 45 minutes de latitude N.