Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 6.djvu/95

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Passons à la description du cours de l’Ohio. L’Ohio est formé par la réunion de la Monongahela et de l’Alleghany, la première rivière prenant sa source au sud, dans les montagnes Bleues ou les Apalaches ; la seconde, dans une autre chaîne de ces montagnes au nord, entre le lac Érié et le lac Ontario : au moyen d’un court partage, l’Alleghany communique avec le premier lac. Les deux rivières se joignent au-dessous du fort jadis appelé le fort Duquesne, aujourd’hui le fort Pitt, ou Pittsbourg : leur confluent est au pied d’une haute colline de charbon de terre ; en mêlant leurs ondes, elles perdent leurs noms, et ne sont plus connues que sous celui de l’Ohio, qui signifie à bon droit belle rivière.

Plus de soixante rivières apportent leurs richesses à ce fleuve ; celles dont le cours vient de l’est et du midi sortent des hauteurs qui divisent les eaux tributaires de l’Atlantique des eaux descendantes à l’Ohio et au Mississipi ; celles qui naissent à l’ouest et au nord découlent des collines dont le double versant nourrit les lacs du Canada et alimente le Mississipi et l’Ohio.

L’espace où roule ce dernier fleuve offre dans son ensemble un large vallon bordé de collines d’égales hauteurs ; mais, dans les détails, à mesure que l’on voyage avec les eaux, ce n’est plus cela.

Rien d’aussi fécond que les terres arrosées par l’Ohio : elles produisent sur les coteaux des forêts de pins rouges, des bois de lauriers, de myrtes, d’érables à suc, de chênes de quatre espèces ; les vallées donnent le noyer, l’alizier, le frêne, le tupelo ; les marais portent le bouleau, le tremble, le peuplier et le cyprès chauve. Les Indiens font des étoffes avec l’écorce du peuplier ; ils mangent la seconde écorce du bouleau ; ils emploient la sève de la bourgène pour guérir la fièvre et pour chasser les serpents ; le chêne leur fournit des flèches, le frêne des canots.

Les herbes et les plantes sont très-variées ; mais celles qui couvrent toutes les campagnes sont : l’herbe à buffle, de sept à huit pieds de haut, l’herbe à trois feuilles, la folle-avoine, ou le riz sauvage, et l’indigo.

Sous un sol partout fertile, à cinq ou six pieds de profondeur, on rencontre généralement un lit de pierre blanche, base d’un excellent humus ; cependant, en approchant du Mississipi, on trouve d’abord à la surface du sol une terre forte et noire, ensuite une couche de craie de diverses couleurs, et puis des bois entiers de cyprès chauves, engloutis dans la vase.

Sur le bord du Chanon, à deux cents pieds au-dessous de l’eau, on prétend avoir vu des caractères tracés aux parois d’un précipice : on