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Page:Chateaubriand - Œuvres complètes, éd. Garnier, 1861, tome 7.djvu/197

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comme je le dirai bientôt, pour porter un homme fameux au ministère, malgré la répugnance trop fondée de la couronne. L’élévation de cet homme devoit produire l’une de ces deux choses : ou l’abolition de la Charte, ou la chute du ministère à l’ouverture de la session. Se représente-t-on le ministre dont je veux parler écoutant à la chambre des députés la discussion sur les catégories, sur le 21 janvier, pouvant être apostrophé à chaque instant par quelque député de Lyon, et toujours menacé du terrible tu es ille vir ! Les hommes de cette sorte ne peuvent être employés ostensiblement qu’avec les muets du sérail de Bajazet ou les muets du corps législatif de Buonaparte.

CHAPITRE XXX.
DU MINISTÈRE DE LA POLICE. QU’IL EST INCOMPATIBLE AVEC UNE CONSTITUTION LIBRE.

Comme il y a des ministres qui ne peuvent l’être sous une monarchie constitutionnelle, il y a des ministères qui ne sauroient exister dans cette sorte de monarchie : c’est indiquer la police générale.

Si la Charte, qui fonde la liberté individuelle, est suivie, la police générale est sans action et sans but.

Si la liberté individuelle est suspendue par une loi transitoire, on n’a pas besoin de la police générale pour exécuter la loi.

En effet, si les droits de la liberté constitutionnelle sont dans toute leur plénitude, et que néanmoins la police générale se permette les actes arbitraires qui sont de sa nature, tels que suppressions d’ouvrages, visites domiciliaires, arrestations, emprisonnements, exils, la Charte est anéantie.

La police n’usera pas de cet arbitraire : eh bien, elle est inutile.

La police générale est une police politique ; elle tend à étouffer l’opinion ou à l’altérer : elle frappe donc au cœur le gouvernement représentatif. Inconnue sous l’ancien régime, incompatible avec le nouveau, c’est un monstre né dans la fange révolutionnaire, de l’accouplement de l’anarchie et du despotisme.