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338 REVOLUTIONS ANCIENNES.

qui n'avoit été précédé d'aucun autre bruit , sortit tout à coup des entrailles de la terre : les osse- ments des morts en tremblèrent , et le temple en fut ébranlé jusqu'au faîte.

Cependant le silence étoit rétabli sur la terre , et les hommes vivants , les morts , et ceux qui dévoient naître , avoient les regards fixés sur le Rédempteur. En proie à toutes les douleurs , Eve regardoit son Fils qui succomboit insensiblement sous une mort lente et pénible. Ses yeux ne s'ar- rachoient de ce triste spectacle que pour se porter sur une mortelle qui se tenoit chancelante au pied de la Croix , la tête penchée , le visage pâle , et dans un silence semblable au silence de la mort. Ses yeux ne pouvoient verser de larmes : elle étoit

sans mouvement « Ah! dit en elle-même

la mère du genre humain , c'est la mère du plus grand des hommes ; l'excès de sa douleur ne l'an- nonce que trop. Oui, c'est l'auguste Marie; elle éprouve dans ce moment ce que je sentis moi- même , lorsque je vis Abel auprès de l'autel , na- geant dans les flots de son sang. Oui , c est la mère du Sauveur expirant. » Elle fut tirée de ces pensées par l'arrivée de deux anges de la mort , qui venoient du côté de 1 Orient. Ils planoient dans les airs d'un vol mesuré et majestueux , et gar- doient un profond silence. Leurs vêtements étoient plus sombres que la nuit , leurs yeux plus étin- celants que la flamme ; leur air annonçoit la des- truction. Ils s'avancèrent lentement vers la colline

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