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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

L’AURORE.

« Quelle douce clarté vient éclairer l’Orient ! Est-ce la jeune Aurore qui entr’ouvre au monde ses beaux yeux chargés des langueurs du sommeil ? Déesse charmante, hâte-toi ! quitte la couche nuptiale, prends la robe de pourpre ; qu’une ceinture moelleuse la retienne dans ses nœuds ; que nulle chaussure ne presse tes pieds délicats ; qu’aucun ornement ne profane tes belles mains faites pour entr’ouvrir les portes du jour. Mais tu te lèves déjà sur la colline ombreuse. Tes cheveux d’or tombent en boucles humides sur ton col de rose. De ta bouche s’exhale un souffle pur et parfumé. Tendre déité, toute la nature sourit à ta présence ; toi seule verses des larmes, et les fleurs naissent. »


À LA LUNE.

« Chaste déesse ! déesse si pure, que jamais même les roses de la pudeur ne se mêlent à tes tendres clartés, j’ose te prendre pour confidente de mes sentiments. Je n’ai point, non plus que toi, à rougir de mon propre cœur. Mais quelquefois le souvenir du jugement injuste et aveugle des hommes couvre mon front de nuages, ainsi que le tien. Comme toi, les erreurs et les misères de ce monde inspirent mes rêveries. Mais plus heureuse que moi, citoyenne des cieux, tu conserves toujours la sérénité ; les tempêtes et les orages qui s’élèvent de notre globe glissent sur ton disque paisible.