Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t1.djvu/473

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page a été validée par deux contributeurs.
405
MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

« Aucun jour n’a suivi la nuit, aucune nuit n’a été suivie de l’aurore, qui n’ait entendu des pleurs mêlés à des vagissements douloureux, compagnons de la mort et des noires funérailles. »


Les sauvages de la Floride racontent qu’au milieu d’un lac est une île où vivent les plus belles femmes du monde. Les Muscogulges en ont tenté maintes fois la conquête ; mais cet Éden fuit devant les canots, naturelle image de ces chimères qui se retirent devant nos désirs.

Cette contrée renfermait aussi une fontaine de Jouvence : qui voudrait revivre ?

Peu s’en fallut que ces fables ne prissent à mes yeux une espèce de réalité. Au moment où nous nous y attendions le moins, nous vîmes sortir d’une baie une flottille de canots, les uns à la rame, les autres à la voile. Ils abordèrent notre île. Ils formaient deux familles de Creeks, l’une siminole, l’autre muscogulge, parmi lesquelles se trouvaient des Chérokis et des Bois-brûlés. Je fus frappé de l’élégance de ces sauvages qui ne ressemblaient en rien à ceux du Canada.

Les Siminoles et les Muscogulges sont assez grands, et, par un contraste extraordinaire, leurs mères, leurs épouses et leurs filles sont la plus petite race de femmes connue en Amérique.

Les Indiennes qui débarquèrent auprès de nous, issues d’un sang mêlé de chéroki et de castillan, avaient la taille élevée. Deux d’entre elles ressemblaient à des créoles de Saint-Domingue et de l’Île-de-France, mais jaunes et délicates comme des