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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

sept, reconnaissons, conformément à la lettre de M. le Ministre de la guerre en date du vingt-et-un janvier mil huit cent trente-six, que c’est par tolérance du département de la guerre qu’un tombeau a été érigé pour M. de Chateaubriand sur l’île du Grand-Bé, et que cette construction ne pourra jamais faire acquérir à la commune aucun droit de propriété sur cette île qui appartient au département de la guerre, et que ceux de ce dernier sur tout le terrain sont maintenus dans leur plénitude.


Pendant tout ce temps, je l’ai dit, M. La Morvonnais était resté sur la brèche. Son zèle et son pieux dévouement ne devaient pas rester sans récompenses. Le 15 mai 1836, il recevait de Chateaubriand la lettre qu’on va lire :

Paris, le 15 mai 1836.

Enfin, Monsieur, j’aurai un tombeau et je vous le devrai, ainsi qu’à mes bienveillants compatriotes ! Vous savez, Monsieur, que je ne veux que quelques pieds de sable, une pierre du rivage sans ornement et sans inscription, une simple croix de fer et une petite grille pour empêcher les animaux de me déterrer.

Maintenant, Monsieur, il faut que je vous avoue ma faiblesse. Tous les ans, je fais le projet d’aller revoir le lieu de ma naissance, et tous les ans, le courage me manque. Je crains les souvenirs, plus ils me sont chers, plus ils me font mal. Je tâcherai cependant, Monsieur, de faire un effort et d’aller visiter quelque jour mon dernier asile.

Je suis charmé que Saint-Malo ait enfin obtenu le bassin à flot auquel je m’étais intéressé pendant mon ministère. Le projet du bassin entre la ville et le Grand-Bé me plairait surtout parce qu’il accroîtrait la ville de ce côté.

Offrez, je vous prie, à toutes les personnes qui se sont intéressées à ma tombe, mes remerciements les plus sincères. Recevez en particulier, Monsieur, ceux que j’ai l’honneur de vous offrir. J’espère que vous voudrez bien quelquefois me donner de vos nouvelles et m’apprendre aussi un peu le progrès du monument : le temps me presse, et j’aimerais à apprendre bientôt que mon lit est préparé. Ma route a été longue, et je commence à avoir sommeil.

Chateaubriand.

À quelques mois de là, M. La Morvonnais écrivit au grand poète, de Combourg même, que bientôt il allait