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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

tout le temps du coucher de ma mère et de ma sœur : elles se mettaient au lit mourantes de peur… » Ces récits, on les cherche en vain dans l’édition de 1849 et dans les éditions suivantes, et cependant ils avaient charmé tous les auditeurs des lectures de 1834. Sainte-Beuve écrivait, dans son article du 15 avril 1834 : « Le coup de dix heures arrêtant brusquement sa marche, le père se retire dans son donjon. Alors, il y a un court moment d’explosion de paroles et d’allègement. Madame de Chateaubriand elle-même y cède, et elle entame une de ces merveilleuses histoires de revenants et de chevaliers, comme celle du sire de Beaumanoir et de Jehan de Tinténiac, dont le poète nous reproduit la légende dans une langue créée, inouïe.[1] » — Jules Janin disait de son côté, dans la Revue de Paris : « Onze heures venues, le vieux seigneur remontait dans sa chambre ; on prêtait l’oreille et on l’entendait marcher là-haut : son pied faisait gémir les vieille solives ; puis enfin tout se taisait, et alors la mère, le fils, la sœur, poussaient un cri de joie… Ils se racontaient des histoires de revenants. Parmi ces histoires, il y en a une que M. de Chateaubriand raconte dans ses Mémoires, et qui sera un jour citée comme un modèle de narration.

« Voici quelques lambeaux de cette histoire, voici le pâle squelette du revenant de M. de Chateaubriand :

« La nuit, à minuit, un vieux moine, dans sa cellule, entend frapper à sa porte. Une voix plaintive l’appelle ; le moine hésite à ouvrir. À la fin il se lève, il ouvre : c’est un pèlerin qui demande l’hospitalité. Le moine donne un lit au pèlerin et il se repose sur le sien ; mais à peine est-il endormi que tout à coup il voit le pèlerin au bord de son lit qui lui fait signe de le suivre. Ils sortent ensemble. La porte de l’église s’ouvre et se referme derrière eux. Le prêtre, à l’autel, célébrait les saints mys-

  1. Revue des Deux-Mondes, du 15 avril 1834. — Portraits contemporains, par C.-A. Sainte-Beuve, t. I, p. 37.