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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Une instruction fut ouverte. Le malheureux des Fourneaux subit de nombreux interrogatoires et fut confronté avec les principaux témoins. Il déclara n’avoir jamais parlé d’un ecclésiastique lui présentant du poison et de l’or. Il soutint aux Moreau qu’il ne les avait jamais entretenus d’aucune tentative faite sur lui pour le corrompre ; il n’avait jamais, dit-il, prononcé devant eux le nom de La Chalotais. Aussi bien, toute la légende créée à son sujet s’évanouissait, aux yeux des gens non prévenus, devant le seul fait que des Fourneaux avait été le gardien non pas de La Chalotais, mais de Bouquerel ; devant cet autre fait également certain que La Chalotais était dans la prison de Saint-Malo, quand des Fourneaux était à Rennes. Cependant, grâce aux intrigues des Chalotistes et aux nombreux partisans qu’ils comptaient dans le Parlement, le procès dura très longtemps. Ce fut seulement le 5 mai 1768 que la Cour rendit son arrêt. Jean Canon fut banni à perpétuité « hors du royaume ». Julie-Angélique de Bedée, épouse de Jean-François Moreau, et Annibal Moreau, son fils, furent condamnés « en mille livres de dommages et intérêts, par forme de réparation civile au sieur Clémenceau seulement, applicables à l’hôpital de Saint-Méen ; ladite somme supportable, savoir : six cents livres par Canon, deux cents livres par Annibal Moreau, et deux cents livres par ladite de Bedée[1] ».

L’innocence de M. Clémenceau était proclamée par arrêt. Elle n’était douteuse pour aucune personne de bonne foi. Dans le camp de La Chalotais, on n’en continua pas moins à dire et à écrire que le « complot du poison » avait réellement existé. Des pamphlets chalotistes, cet inepte et grossier mensonge a passé dans les livres de nos historiens.

Dans le dispositif de l’arrêt du 5 mai 1768, le lecteur n’aura pas été sans remarquer cette ligne : « Julie-Angé-

  1. Henri Carré, La Chalotais et le duc d’Aiguillon.