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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

touché de l’ingratitude de ce jeune homme que de son sort : depuis ma retraite en Angleterre, j’ai fait de vaines recherches pour découvrir sa famille. Je n’avais d’autre envie que d’apprendre qu’il était heureux, et de me retirer ; car, quand je le connus, je n’étais pas alors ce que je suis : je rendais alors des services, et ce n’est pas ma manière de rappeler des liaisons passées avec des riches, lorsque je suis tombé dans l’infortune. Je me suis présenté chez l’évêque de Londres et, sur les registres qu’on m’a permis de feuilleter, je n’ai pu trouver le nom du ministre T… Il faut que je l’orthographie mal. Tout ce que je sais, c’est que T… avait un frère et que deux de ses sœurs étaient placées à la cour. J’ai peu trouver d’hommes dont le cœur fût mieux en harmonie avec le mien que celui de T… ; cependant mon ami avait dans les yeux une arrière-pensée que je ne lui aurais pas voulu. »

Lorsque Chateaubriand publia, en 1826, une nouvelle édition de l’Essai, il fit suivre la note qu’on vient de lire des lignes suivantes :

Il n’y a de passable dans cette note que mes descriptions comme voyageur. Il fallait bien, au reste, puisque j’étais philosophe, que j’eusse tous les caractères de ma secte : la fureur du propagandisme et le penchant à calomnier les prêtres. J’ai été plus heureux comme ambassadeur que je ne l’avais été comme émigré. J’ai retrouvé à Londres, en 1822, M. T…, il ne s’est point fait prêtre ; il est resté dans le monde ; il s’est marié ; il est devenu vieux comme moi ; il n’a plus d’arrière-pensée dans les yeux : son roman, ainsi que le mien, est fini.


XII

journal de voyage[1]


Dans son Voyage en Amérique (Œuvres complètes, tome VI), Chateaubriand a donné quelques fragments de son Journal de route. Ce sont de simples notes, mais où

  1. Ci-dessus, p. 402.