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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

d’une des transformations de ma vie. Il y a des moments où notre destinée, soit qu’elle cède à la société, soit qu’elle obéisse à la nature, soit qu’elle commence à nous faire ce que nous devons demeurer, se détourne soudain de sa ligne première, telle qu’un fleuve qui change son cours par une subite inflexion.

L’Essai offre le compendium de mon existence, comme poète, moraliste, publiciste et politique. Dire que j’espérais, autant du moins que je puis espérer, un grand succès de l’ouvrage, cela va sans dire : nous autres auteurs, petits prodiges d’une ère prodigieuse, nous avons la prétention d’entretenir des intelligences avec les races futures ; mais nous ignorons, que je crois, la demeure de la postérité, nous mettons mal son adresse. Quand nous nous engourdirons dans la tombe, la mort glacera si dur nos paroles, écrites ou chantées, qu’elles ne se fondront pas comme les paroles gelées de Rabelais.

L’Essai devait être une sorte d’encyclopédie historique. Le seul volume publié est déjà une assez grande investigation ; j’en avais la suite en manuscrit ; puis venaient, auprès des recherches et annotations de l’annaliste, les lais et virelais du poète, les Natchez, etc.

    les premiers mois de 1797 ; il formait un seul volume de 681 pages, grand in-8o, sans compter l’avis, la notice, la table des chapitres et l’errata. En voici le titre exact : Essai historique, politique et moral sur les Révolutions anciennes et modernes, considérées dans leurs rapports avec la Révolution française. — Dédié à tous les partis. — Avec cette épigraphe : Experti invicem sumus ego et fortuna. Tacite. Et plus bas : À Londres : Se trouve chez J. Deboffe, Gerrard-Street ; J. Debrett, Piccadilly ; Mme Lowes, Pall-Mall ; A. Dulau et Co, Wardour-Street ; Boosey, Broad-Street ; et J.-F. Fauche, à Hambourg. — Le livre parut sans nom d’auteur.