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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/186

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

l’école affectée de Dorat, mais il ne put rétablir l’école classique qui touchait à son terme avec la langue de Racine.

Parmi les odes posthumes de M. de Fontanes, il en est une sur l’Anniversaire de sa naissance : elle a tout le charme du Jour des Morts, avec un sentiment plus pénétrant et plus individuel. Je ne me souviens que de ces deux strophes :

La vieillesse déjà vient avec ses souffrances :
Que m’offre l’avenir ? De courtes espérances.
Que m’offre le passé ? Des fautes, des regrets.
Tel est le sort de l’homme ; il s’instruit avec l’âge :
  Mais que sert d’être sage,
  Quand le terme est si près ?

Le passé, le présent, l’avenir, tout m’afflige.
La vie à son déclin est pour moi sans prestige ;
Dans le miroir du temps elle perd ses appas.
Plaisirs ! allez chercher l’amour et la jeunesse ;
  Laissez-moi ma tristesse,
  Et ne l’insultez pas !

Si quelque chose au monde devait être antipathique à M. de Fontanes, c’était ma manière d’écrire. En moi commençait, avec l’école dite romantique, une révolution dans la littérature française : toutefois, mon ami, au lieu de se révolter contre ma barbarie, se passionna pour elle. Je voyais bien de l’ébahissement sur son visage quand je lui lisais des fragments des Natchez, d’Atala, de René ; il ne pouvait ramener ces productions aux règles communes de la critique, mais il sentait qu’il entrait dans un monde nouveau ;