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Page:Chateaubriand - Mémoires d’outre-tombe t2.djvu/241

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MÉMOIRES D’OUTRE-TOMBE

Bretagne ne périrait point tant qu’on chanterait God save the King, que les bourgs-pourris seraient maintenus, que les lois sur la chasse resteraient en vigueur, et que l’on vendrait furtivement au marché les lièvres et les perdrix sous le nom de lions et d’autruches.

Le clergé anglican était savant, hospitalier et généreux ; il avait reçu le clergé français avec une charité toute chrétienne. L’université d’Oxford fit imprimer à ses frais et distribuer gratis aux curés un Nouveau Testament, selon la leçon romaine, avec ces mots : À l’usage du clergé catholique exilé pour la religion. Quant à la haute société anglaise, chétif exilé, je n’en apercevais que les dehors. Lors des réceptions à la cour ou chez la princesse de Galles[1], passaient des

  1. Caroline-Amélia-Augusta de Brunswick-Wolfenbüttel, née en 1768, avait épousé en 1795 le prince de Galles, depuis George IV. Profondément attaché à Mistress Fitzherbert, à laquelle il s’était uni par un mariage entaché de nullité, celui-ci n’avait consenti à cette union que pour obtenir du roi son père le payement de ses dettes. Aussitôt après la naissance de leur fille, la princesse Charlotte (mariée en 1816 au prince Léopold de Cobourg et morte en couches l’année suivante), le prince et la princesse de Galles s’étaient séparés d’un commun accord (1796). En 1806, le prince provoqua une enquête judiciaire sur la conduite de sa femme, qu’il accusait d’avoir donné le jour à un enfant illégitime. Le roi George III prit parti pour sa belle-fille, et l’enquête n’eut pas de résultat. Appelé au trône en 1820, George IV, non content de se refuser à reconnaître à sa femme le titre et les prérogatives royales, introduisit contre elle au parlement un bill dans lequel il demandait le divorce pour cause d’adultère de la reine avec un ancien valet de pied nommé Bergami. Après de longs débats, dans lesquels Brougham, avocat de la reine Caroline, fit preuve de la plus rare habileté et de la plus puissante éloquence, le bill fut retiré par le gouvernement (6 novembre 1820). Mais au mois de juillet de l’année suivante, l’entrée de Westminster fut refusée à la reine le jour du couronnement de George IV. Le dépit qu’elle conçut de cet affront ne fut pas étranger à sa fin survenue quelques jours plus tard.